Rose-Hélène Fortin, L’Attisée, Saint-Jean-Port-Joli, août 2016
Est-ce une légende ou le récit d’un fait réel ? Incroyable, impossible pour certains, mais vrai pour Jean-Paul Fortin. C’est l’histoire de La Cabine Bleue.
Il était une fois notre pays dans un monde heureux de retrouver la paix entre les deux malheureuses Grandes Guerres. Cependant, la pauvreté dans nos campagnes entrave la voie du progrès. Le chômage accable nos gens. À Saint-Aubert, Athanase Fortin n’est pas homme à se croiser les bras. Ce papa de Jean-Paul est issu d’une famille nombreuse, adepte du grand rire qui soigne la déprime de la misère. Désireux de fonder sa famille, il quitte la ferme de son père Amable. Il acquiert à Trois-Saumons un terrain et son rustique « deux-pièces » tout de jaune vêtu. Empoignant marteau et enclume, il sera forgeron.
Pendant qu’il chausse les grosses pattes des chevaux de trait à grand bruit de fer torturé, sa Julienne forge la vie de sa petite Gisèle dans un bruit de doux silence maternel. Le porte-monnaie tarde à se remplumer et l’Abitibi se fait prometteuse. Adieu patrie et nid sous les arbres ! Avec ses outils de fer, un gros sac d’optimisme au dos, bébé et maman, la sœur et le beau-frère, tous dans la même folie, la terre promise l’attend : Lamorandière près de Barraute. Nouvelle vie, autre quotidien trempé de foi héroïque assaisonnée de rêves, d’ambition, d’entraide, d’ennui, de chansons à répondre et de veillées autour du feu parce qu’il y a trop de maringouins… intérieur compris. Découragement ? Non… derrière l’homme, il y avait une femme ! Et le jadis don de force de l’Esprit Saint l’avait suivi jusque-là. Son vécu n’est que scènes et intrigues dignes d’Hollywood pendant que la mémoire de sa petite maison s’efface comme un trésor enfoui au fond d’une cachette non déclarée à sa descendance.
Suite au décès des parents, de vieux documents sont examinés. Le secret sort comme l’aiguille dans la botte de foin et dirige notre Jean-Paul dans notre beau Port-Joli. La coopération généreuse des archives municipales s’avère miraculeuse. La boutique n’est plus mais la petite maison survit étant bien attachée à un géant qui a traversé le vieux perron de bois disloqué pour la garder à l’ombre de ses longs bras. Qui l’eut cru ? Gardée vivante par des locataires esseulés sans doute, elle souhaite se convertir au culte 2000. Toilette nécessaire mais défense de toucher à ses atours centenaires. Elle retrouve sa jeunesse dans l’odeur de son franc bois d’époque. Permission accordée pour l’ajout d’une douche, d’un lit rajeuni et de chaussons pour ses pieds froids. Jalouse d’une idole connue, La Dame en bleu, notre vedette abandonne ses haillons jaunes et revêt une tunique bleu d’encre pour charmer les vacanciers en tournée nostalgique.
À travers Jean-Paul et Denise, le temps d’une nuit mémorable de juin 2016, une émotion d’antan a rejoint Athanase et Julienne en écoutant les vagues du grand fleuve raconter l’étonnante histoire de leur petite maison.