Éric Cyr, Le Trait d’union du Nord, Fermont, septembre 2024
Les contes et légendes font partie du folklore acadien et québécois, que l’on pense au très connu conte folklorique Chasse-galerie, publié en 1891 par Honoré Beaugrand, ou au personnage fictif maléfique de la culture québécoise et canadienne-française, le bonhomme Sept-Heures, qui découle probablement du croque-mitaine européen, le père Fouettard, et au fameux loup-garou, mais aussi à l’incarnation la plus célèbre du folklore national, le diable prenant souvent la forme d’un violoneux ou d’un beau cavalier qui s’en prend aux belles du village en particulier celles qui adorent danser.
Les légendes populaires mondiales font aussi mention de mythiques créatures anthropomorphes comme l’abominable homme des neiges ou yéti, qui pourrait être selon certains un ours bleu du Tibet, que la croyance américaine a transposé en Amérique du Nord sous le nom de sasquatch. C’est sûrement cet être qui a inspiré la fable du wabalou de la 389 qui fait trembler de vieux camionneurs qui empruntent ce lien routier semi-désertique. En effet, certains conducteurs de poids lourds qui sillonnent cet axe de transport interprovincial depuis des années croient dur comme fer à l’existence de l’humanoïde velu, qui pourrait surgir des bois à n’importe quel moment, et se racontent des récits à son sujet qu’ils transmettent aux nouveaux chauffeurs de remorques et de semi-remorques afin de les prévenir des dangers qui les guettent le long de cette artère routière qui traverse une partie de l’immensité de la forêt boréale québécoise.
Selon un vieux routier, Yves Briand, dont le sobriquet est l’arbre de Noël, qui tente de sensibiliser la relève du camionnage qui circule sur la route 389 à la dangerosité du wabalou, il est primordial de redoubler de prudence et d’employer des sortilèges destinés à conjurer les imprévisibles mauvais sorts que pourrait jeter la créature verte de forte stature aux usagers de cette route qui dérangent sa quiétude. Ce dernier jure d’avoir aperçu le wabalou à quelques reprises durant ses déplacements entre Baie-Comeau et Fermont. Il préconise d’allumer des cierges ou des chandelles de couleur verte avant d’oser s’aventurer sur la 389 afin de conjurer les maléfices qui pourraient s’avérer périlleux pour les incrédules intrépides qui n’auraient pas pratiqué ce rituel au préalable afin de se protéger des tours du wabalou qui, selon ses dires, pourrait même influencer l’état de la chaussée et les phénomènes météorologiques.
« Nous avons fondé, il y a quelques décennies, le club des wabalous inspiré du modèle de l’ordre loyal des bisons des prairies dans l’émission de télévision Les Pierrafeu. À l’époque, moi et d’autres camionneurs, Raymond Bédard, alias le coyote, René Coulombe connu sous le surnom Poyo, Marcel « Titi » Héon et Éric Paradis dit le chromé, faisions à l’occasion des cérémonies où nous allumions des chandelles vertes à côté de nos camions avant de prendre la route 389 », confie le routard qui précise qu’il a peint, il y a plus d’un quart de siècle, un graffiti en vert avec comme inscription « Danger wabalou » sur une grosse roche à un endroit précis aux abords de la 389 où l’être mythique aurait été aperçu afin d’avertir les passants du secteur. Chose étrange, ce signe n’a pas subi l’érosion du temps puisque ceux qui sont attentifs peuvent toujours l’apercevoir le long du chemin. Ce dernier, qui a fait graver « Le wabalou du Nord » à côté de son nom sur sa pierre tombale, précise que le wabalou craint le feu et qu’il faut se méfier de ce qui peut en apparence ressembler à une fuite d’antigel vert, mais qui serait en fait de l’urine de wabalou indiquant que l’entité poilue verte peut se trouver à proximité.
Les camionneurs qui arpentent cette route depuis longtemps, assurent que la bête est bel et bien réelle et qu’il faut toujours demeurer alerte en conduisant et tenir compte de sa présence afin de parer ses mauvais coups.