La chasse est un sport, mais tous les chasseurs ne sont pas sportifs

Alain Boudreau, Graffici, Gaspésie, Septembre 2022

Cet automne, des milliers de chasseurs s’empareront de l’arrière-pays gaspésien à la recherche de petits et gros gibiers. Ils sont pour la plupart des résidents mais aussi des visiteurs, en particulier pour la chasse à l’orignal, puisque la Gaspésie avec une densité moyenne de presque neuf orignaux aux 10 kilomètres carrés1 est un territoire prisé de la part de ces adeptes. Il va sans dire que la chasse est une activité qui laisse d’importantes retombées économiques sur l’ensemble du territoire. Pour plusieurs, la chasse est une véritable passion, pour ne pas dire une religion.

La proximité de la nature, la camaraderie et la quête de viande biologique sont les principales raisons qui motivent les pratiquants. Pour rien au monde, ils ne manqueraient ce rendez-vous annuel! Et la chasse n’est pas qu’une affaire d’hommes… Les femmes représentent environ 28 % des personnes qui participent aux formations pour l’obtention du certificat du chasseur au Québec et sur le terrain, ce sont elles dans une proportion de 10 à 15 % (selon le type de gibier) qui pratiquent la chasse2. Diane, n’était-elle pas la déesse de la chasse dans la mythologie romaine?

Jusqu’au milieu du siècle dernier, sauf pour les mieux nantis, la chasse correspondait davantage à une activité de subsistance qu’à un loisir. Par la suite, la démocratisation de la chasse (abolition des clubs privés, création des réserves fauniques, des zones d’exploitation contrôlée, etc.) en a fait une activité plus accessible pour tous. De nos jours, la chasse est une activité de plein air réglementée de sorte qu’elle peut être considérée comme un sport, même s’il n’y a pas eu d’entente entre les deux adversaires … Le gibier ne peut être traqué n’importe où et n’importe comment, le chasseur est sensé accepter les règles, le succès n’est pas garanti et le gibier peut s’enfuir puisqu’il est dans son environnement. Il en est autrement pour la chasse en enclos, j’en conviens.

En plus d’être un sport, la chasse peut s’avérer un bon moyen de contrôle. Sans la chasse, pour certaines catégories de gibier, il pourrait y avoir occasionnellement surabondance et plusieurs risques associés. Pour ceux qui suivent la saga des cerfs au parc Michel-Chartrand à Longueuil, finalement ce sera une chasse contrôlée (avec arbalète) qui permettra de réguler le trop grand nombre de bêtes. Quoiqu’en disent les détracteurs, dans un tel cas, les chasseurs donnent un coup de main à la gestion de la faune.

Nous sommes majoritairement omnivores, la viande fait encore partie de notre alimentation et les animaux sauvages sont une denrée pour plusieurs. De plus, les chasseurs achètent des permis et une bonne partie des revenus qui en découlent servent à la conservation de la faune. Malgré cela, plusieurs rebutent la chasse et pensent que ce n’est pas un sport. Ils trouvent inutile et cruel de tuer des animaux sauvages. Chacun son opinion. La chasse n’est pas le mal mais peut être mal faite.

Les chasseurs eux-mêmes remettent parfois en doute le caractère sportif de cette activité lorsqu’ils observent ce qui se passe autour d’eux. À voir l’attitude de plusieurs d’entre eux, nous sommes tentés de leur donner raison. En effet, le sentiment de liberté que donne la vie en nature à certains
adeptes les amènent à déroger des règles, à se croire tout permis et à n’en faire qu’à leur tête. La forêt est parfois le dernier refuge des délinquants; pour eux il n’y a plus de règlements, de morale et de respect. Les pratiques antisportives sont nombreuses. L’appropriation de parties de territoires publics pour la chasse au gros gibier est sans doute la plus grave; ce n’est pas recommandé d’aller dans « le trou de chasse » de certains au plus fort de la période de récolte. De plus, sous l’effet de l’alcool, leurs comportements sont parfois comparables aux bêtes qu’ils traquent … À cela s’ajoute d’autres aspects découlant de la pratique de la chasse comme les détritus laissés en forêt, l’abattage de bois de chauffage sans permis, le gaspillage de
venaison et l’intimidation entre chasseurs. La plupart des chasseurs ne sont pas comme ça, heureusement.

À mon avis, la chasse peut être un sport noble. Comment? D’abord, il y a le respect des règles établies et ce même si vous êtes loin en forêt, à des dizaines de kilomètres, où la tentation de s’y soustraire est forte. C’est une question d’intégrité. Ensuite, le chasseur sportif s’assure qu’il est en mesure d’abattre son gibier rapidement pour lui éviter des souffrances inutiles. Le cas échéant, il demande la permission au propriétaire avant de circuler sur une terre privée. Enfin, si le succès lui sourit, il pense à partager sa récolte en faisant un don à une banque alimentaire.

Peut-être que les moeurs changeront. Peut-être qu’un jour notre vision de la chasse sportive ne sera plus la même et que cette tradition sera rompue. Peut-être que les êtres humains reconnaîtront des droits aux animaux sauvages et que les tuer pour se nourrir sera une violation de leur statut. Qui sait?

D’ici là, il est possible de poursuivre cette activité de prélèvement et de le faire en adoptant un comportement éthique.

Bonne saison de chasse si cela vous concerne!

(1) Source : Recensement 2017 du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.
(2) Source : Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs.


La Gaspésie compte sur une densité moyenne de presque neuf orignaux aux 10 kilomètres carrés. Photo : Marielle Guay