Les malles de Schwartz

Alain Dubois, L’annonceur, Pierreville, mars 2022

Nous avons oublié que les malles d’autrefois étaient utilisées pour le transport. À l’époque, avant l’apparition de l’automobile, les gens se déplaçaient à l’aide de voitures tirées par des chevaux et pour apporter leurs effets personnels, ils utilisaient de grandes malles qu’on attachait aux carrioles.

Sébastien Schwartz, féru d’histoire et collectionneur d’objets antiques, c’est sur la route pour se rendre à Québec pour un weekend en famille que Sébastien fait une tournée des antiquaires sur l’autoroute 20 à la hauteur de Sainte-Eulalie. Une malle capte son attention entre autres bricoles et c’est sur le chemin du retour qu’il décide de s’en procurer une pour la première fois.

Des malles, il y en avait de toutes sortes dans la boutique du couple Aubin. En plus ou moins en bon état, carrées ou bombées, elles avaient toutes de subtiles différences et semblaient chacune avoir une certaine personnalité… une histoire bien à elle. Alors ce fut au fil des aller-retour que Sébastien Schwartz s’est peu à peu familiarisé avec ces vestiges de la fin des années 1800 et du début du vingtième siècle.

La restauration des malles d’époque est un art, et au fil des visites à Sainte-Eulalie, à l’achat de nouvelles malles s’ajoute l’acquisition d’outils d’artisan. Il faut savoir que Mme Aubin est à la retraite depuis un certain temps et que la restauration des meubles et surtout des malles ne se font plus malgré qu’une grande quantité d’entre elles soient entreposées. Au fil des visites, c’est tout simplement en questionnant le couple sur leur façon de faire et les découvertes qu’ils pouvaient avoir acquis que le transfert des connaissances et des équipements s’est opéré. D’abord comme un simple hobby, la restauration de malles prendra de plus en plus de place dans le quotidien de notre concitoyen.

Chaque malle est unique. Même si elles se retrouvent encore aujourd’hui en quantité appréciable, il n’en demeure pas moins qu’elles ont été fabriquées à la main, avant l’époque industrielle. Alors chacune d’entre elles comporte certaines particularités, que ce soit pour l’ornementation intérieure et extérieure, les matériaux utilisés pour le renforcement des planches de pin à la base du coffre ou les tapisseries intérieures des différents compartiments. Chaque coffre constitue un petit trésor en soi qui révèle ses secrets. Lors de la restauration, on voit apparaitre des dates sous les divers éléments constituants. Lorsqu’on voit une malle de forme rectangulaire, il semble qu’on soit en présence d’un équipement pour les hommes, tandis que celles avec un couvercle bombé sont pour les apparats féminins. D’autres affirment de leur part que le fait d’avoir un couvert bombé relèverait plus du statut financier du propriétaire. Quoiqu’il en soit, on peut retrouver dans tous les films d’époque ou dessin animés de même que dans les jeux vidéo, cette forme de malle bombée représentant un coffre au trésor.

DE HOBBY À OCCUPATION PRINCIPALE

Après s’être fait la main sur ses premières restaurations effectuées dans ses temps libres, et même si ses premières ventes furent plus ou moins lucratives, Sébastien s’aperçoit au fil des discussions qu’il a avec d’autres artisans et en comparant les échanges qui se font sur les places de ventes et échanges sur les réseaux sociaux, qu’il est possible de se faire plus que de l’argent de poche en y mettant le temps et l’effort. Après avoir cumulé de multiples emplois, comme débosseleur, peintre, mécanicien de véhicules lourds, il avoue être un brin perfectionniste et son souci du détail fait en sorte que ses travaux sont remarqués. Il se retrouve à être de plus en plus sollicité pour effectuer des retouches sur des coffres de personnes qui en possèdent et aimeraient bien les rafraichir.

De son côté, sa conjointe Odélie Béliveau, vit de son art. Elle créé des toiles et murales, travaille la plupart du temps à la maison et reçoit sa part de bons mots pour son travail. Tout un contraste avec le travail en entreprise qui exige une présence constante sur horaire défini par l’employeur. Et lorsqu’on inclut les enfants dans l’équation, les exigences d’un horaire rigide peuvent parfois devenir incompatibles avec le concept de conciliation travail-famille.

Alors sur ce qui semble être un coup de tête pour ses collègues de travail, il quitte son emploi en 2021 pour se consacrer à temps plein à son loisir et il n’a aucun regret.

Maître de son temps, effectuant des tâches qu’il aime et voyant le fruit de son travail être apprécié, il affirme ne plus travailler mais plutôt s’amuser à faire ce qu’il aime et que de bonnes choses se sont produites depuis son départ du marché de l’emploi traditionnel : valorisation des pairs et clients, apprentissages et découvertes enrichissantes, temps de qualité avec ses proches et pratiquement aucun sur son train de vie.

Tout un changement de cap s’est effectué en pleine pandémie pour Sébastien, mais il ne regrette aucunement sa décision aujourd’hui. Comme tout entrepreneur, il voit le marché et l’achalandage fluctuer au fil des saisons, c’est un choix à tenir compte lorsqu’on décide de quitter un emploi stable, mais pour lui c’est le prix à payer pour avoir l’opportunité de faire ce métier qui lui amène une toute nouvelle liberté.