Vue d'ensemble de l'exposition de Gaétane Godbout photo : Sylvain Tanguay, Centre d'exposition d'Amos

Rencontres : le matériel et l’immatériel

Chantale Girard, L’Indice bohémien, Rouyn-Noranda, décembre 2020

Jusqu’au 10 janvier 2021, le Centre d’exposition d’Amos présente Rencontres, l’exposition de l’artiste abitibienne Gaétane Godbout. Occupant la grande salle, l’artiste propose sa toute nouvelle production. Depuis le début de sa carrière, Gaétane Godbout travaille sur la notion de rencontre. Non seulement l’art est pour elle un médium de rencontre, mais celle-ci constitue l’épine dorsale de toute sa production.

Au fil du temps, Gaétane a intégré des objets dans ses œuvres, explorant autant l’installation que l’art transactionnel. Ce qu’elle nous propose maintenant à Amos est strictement de la peinture. Elle a abandonné l’encaustique et travaille maintenant l’acrylique, mais avec un résultat assez proche de ses œuvres à la cire d’abeille.

Gaétane Godbout privilégie l’abstraction. Pour elle, le pigment, la ligne, la tache et l’empreinte sont des éléments suffisamment expressifs pour nourrir son propos. Il s’agit toujours de rencontres des éléments plastiques, d’échange, de contamination. Dans cette exposition, elle a fait appel à un élément matériel, des nappes, comme point de départ. Pourquoi les nappes? À cause des rencontres de l’on fait lors des repas. Lieu d’échange, à la fois de nourriture et d’anecdotes, la nappe est un point de jonction entre les personnes. Gaétane aime recevoir et chacune des nappes est porteuse d’histoire, de soirées entre amis ou en famille. Cette qualité a poussé l’artiste à les utiliser, à aller en chercher les motifs afin de matérialiser la rencontre.

Gaétane Godbout explore depuis le début de sa carrière le point de jonction entre les choses : la terre et le ciel, l’artiste et le spectateur et, dans ce cas-ci, le matériel et l’immatériel. Ce n’est pas la nappe qui compte, mais ce qu’elle porte. Le motif devient polymorphe et se transforme au gré du travail pictural, apparaissant, disparaissant sous le pigment, juxtaposé à d’autres couleurs, à d’autres motifs. Elle a choisi les nappes également « pour aller chercher d’autres motifs, d’aller ailleurs que dans mes motifs intuitifs ». La rencontre est partout dans l’œuvre, dans le travail de création ainsi que dans le travail du spectateur.

Il ne faut pas non plus oublier l’évocation du paysage chez Gaétane Godbout. Elle arrive à obtenir une certaine figuration grâce à une abstraction fine et dense : les traits, les taches et les couleurs s’agencent, s’interpénètrent et ainsi naissent des lignes d’horizon improbables. Le lien que l’artiste entretient avec le paysage abitibien est partout perceptible et reste pour elle le lieu de rencontre ultime.

Cette production donne une exposition aérienne et délicate, les œuvres proposant en grande partie des univers organiques dans lesquels le spectateur ne pourra faire autrement que de se perdre avec délice. La salle est épurée et donne aux œuvres l’espace nécessaire pour respirer.

Gaétane Godbout prend sa retraite en janvier prochain. Elle a formé plusieurs générations d’artistes, autant au secondaire, au cégep et à l’université. Elle compte maintenant se consacrer complètement à son travail artistique. Souhaitons-lui bonne chance.

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