Gilles Gagné, Graffici, Gaspésie, décembre 2019
La musique occupe une place prépondérante dans le cœur et la tête d’un nombre impressionnant de Gaspésiens. Ce constat explique en grande partie pourquoi une région aussi petite démographiquement renferme autant de chanteurs et de musiciens professionnels. Selon la même logique, bien des Gaspésiennes et des Gaspésiens se produisent dans un environnement plus informel, qu’il s’agisse de spectacles amateurs, dans des bars, des festivals, des soirées-bénéfices, des fêtes familiales, des mariages ou devant des personnes âgées, notamment. C’est un ajout pécuniaire pour arrondir les fins de mois dans bien des cas mais parfois, c’est du pur bénévolat. Ces performeurs y mettent généralement la même énergie, divers degrés de talent mais invariablement tout leur coeur. GRAFFICI présente ici quelques-uns d’entre elles et d’entre eux.
Pour bien des jeunes adultes, Sylvie Gallant est Gallantine, animatrice et chanteuse dans les écoles, les fêtes communautaires et les garderies depuis 15 ans. Chez d’autres, c’est l’accordéoniste faisant irruption entre deux arbres, l’hiver, en forêt, pendant la Traversée de la Gaspésie, pour réchauffer le cœur des randonneurs.
En fait, Sylvie Gallant est une artiste complète, qui s’est servie de multiples cordes à son arc pour gagner sa vie en toute simplicité volontaire. Elle ne se qualifie pas de musicienne professionnelle, en dépit du rôle de la musique pour arriver à payer ses comptes.
« Je suis ce qu’on appelle en anglais une entertainer. Je cherche encore un équivalent en français. C’est dans l’animation d’événements que je suis arrivée à gagner ma vie et la musique fait partie de ce que je présente lors de congrès, réunions et événements », précise la sexagénaire.
Venant d’une famille de 15 enfants, « une famille de party (…) avec un père qui jouait du violon et un frère qui jouait de la guitare », Sylvie Gallant voulait un piano mais les moyens manquaient pendant un certain temps.
« Maman est arrivée avec un accordéon. Il y a un clavier sur un accordéon. J’ai commencé à jouer. Les chiens ont les oreilles sensibles aux ultrasons alors quand je jouais, c’est moi dehors ou le chien dehors », dit-elle.
Les Gallant ont acquis un piano l’année suivante et elle a pris des cours de 14 à 17 ans. Pendant ses études à Montréal lors des six années suivantes, elle a continué les cours de piano en mode hors programme. Elle s’est acheté un piano lors d’un séjour de cinq ans dans l’Ouest canadien.
Tout ce temps passé au clavier l’a aidée à « jouer à l’oreille et à démêler certaines partitions », souligne Sylvie Gallant en souriant.
Revenue en Gaspésie en 1987, elle anime une émission du matin à CIEU-FM avant de louer pour un dollar, La Saline, le bâtiment historique du centre de Percé, où elle se produira à l’été 1989 avec Rémi Martin, un comparse de Saint- Alexis prenant place au piano.
« Ça a été mon école. Qu’il y ait 45 spectateurs ou 2000, tu apprends à donner, à y aller avec toutes tes tripes », signale-t-elle.
Elle constate deux choses à Percé; elle ne veut pas monter en permanence sur scène pour chanter mais elle reçoit l’avis d’un homme d’affaires rimouskois, Pat Timmons, à l’effet qu’elle a un réel talent multidisciplinaire pour l’animation de groupes.
« À la fin d’une soirée à Rimouski, après une parade de mode, je suis assise au piano avec le grand couturier Michel Robichaud et nous avons un plaisir fou. Les gens n’en croient pas leurs yeux. Michel Robichaud n’était pas reconnu pour être exubérant et le voilà qui s’éclate. Il me dit qu’il va m’inviter à l’émission Star d’un soir. Je ne connais pas cette émission et quand les recherchistes m’appellent, je tente de m’en sortir, avant de céder, en me disant, « vas-y donc ». Personnellement, je parle de cet épisode comme mon « start d’un soir » parce que ça a lancé mon entrée dans l’événementiel », raconte-t-elle.
Professionnelle?
De 1990 à 2017, elle anime des congrès, des réunions, des colloques, de Fredericton à Québec, en gardant toujours la musique à portée de main et de voix. Est-elle une musicienne professionnelle?
« Je viens de participer à un événement à Ottawa soulignant les 50 ans de l’adoption de la Loi sur les langues officielles et il fallait être amateur. J’ai regardé les deux filles de l’Île-du-Prince-Édouard qui ont fait neuf ans de tournée et parfois 250 spectacles par année. Ce n’est pas la même chose pour moi. J’ai fait de 45 à 50 shows par an, pour des petits, petits salaires, de 36 à 60 ans. Je me demande vraiment comment j’ai pu gagner ma vie avec ces revenus, d’ailleurs. Je travaille comme un écureuil. J’accumule avant de réaliser un projet. Je répare la toiture de la maison un bord une année et l’autre bord l’année suivante », décrit-elle.
Elle a ralenti depuis deux ans afin de consacrer son temps à ses compositions. Elle consacre aussi beaucoup d’efforts à l’organisation du Festival des cordes de bois sur les Plateaux et à Matapédia, de même qu’à tout événement susceptible de contribuer à l’épanouissement culturel de ce secteur.
Elle garde quelques engagements pour payer certaines factures. « Avec trois messes et deux morts, je paie mon char. Je pourrais faire un rap avec ça », conclut-elle.