Selon Isabelle Dumais, artiste pluridisciplinaire de Trois-Rivières, pour vivre de son art, il faut d’abord vivre son art. Photo : Dominic Bérubé

Isabelle Dumais : vivre son art

Louis-Serge Gil, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, juin 2019

Peut-on vivre de son art en Mauricie ? Pour répondre à la question de notre dossier spécial estival, nous avons rencontré Isabelle Dumais, artiste en arts visuels, poète, philosophe, enseignante et présidente de la Société des écrivain.e.s de la Mauricie (SÉM).

Quelques mois à peine après la sortie de son troisième livre de poésie, Les grandes fatigues, Isabelle Dumais parle avec enthousiasme de ce qui l’anime : « Depuis un tout jeune âge, j’ai souvenir d’avoir voulu extérioriser quelque chose, des idées, pas juste des sentiments, par le dessin. » La création, sous toutes ses formes, devient rapidement une façon d’habiter et de penser le quotidien. « L’objectif, c’est de communiquer, pas forcément un message, mais je souhaite qu’une idée puisse vivre chez quelqu’un d’autre. » Et le véhicule? Il est résolument pluriel : la poésie, la peinture minimale abstraite, l’essai (dans la revue Contre-jour, entre autres).

Peu importe le médium, sa démarche consiste à mettre en forme avec le plus de justesse et de concision possible une intuition : « Pour le dernier livre, j’avais envie de parler de la fatigue. Je suis partie de cette intuition-là et j’ai ensuite développé l’idée. » Chez cette poète qui cultive une vaste étendue de champs d’intérêt, la construction d’un univers semble primordiale.

Des avantages d’habiter la Mauricie

Il faut dire que pour la Trifluvienne d’adoption, la Mauricie et le Centre-du-Québec se révèlent des terres d’accueil exceptionnelles et essentielles à son identité d’artiste. De fait, qu’est-ce qui peut bien pousser quelqu’un qui a créé à Montréal et à Québec, à s’établir ici? « Le dynamisme de la vie culturelle. De Montréal, je voyais la Biennale internationale d’estampe contemporaine, la revue Art le Sabord et, en arrivant à Trois-Rivières, en 2001, j’ai vite réalisé avec bonheur que je pouvais facilement côtoyer des artistes que j’admirais, notamment par l’entremise de l’atelier Presse Papier. » Un milieu à échelle humaine, donc, où les espaces propices à la création interdisciplinaire facilitent la diffusion des œuvres.

Toutefois, si les milieux régionaux se prennent davantage en charge, Isabelle Dumais souligne que la clé et le défi consistent à s’impliquer.

 

Bâtir pour vivre son art

Ainsi se dévoile la bâtisseuse : « J’aime bien quand tout est à faire et que l’on peut construire quelque chose avec ses idées. En 2005, le Cégep de Drummondville m’a embauchée pour développer le programme en arts visuels. » En création comme en enseignement, Isabelle prône une connaissance de son propre milieu. D’ailleurs, sa curiosité intellectuelle la pousse à partager ses coups de cœur avec ses élèves et, en discutant avec elle, nous percevons aisément que ses occupations diverses se nourrissent mutuellement.

« J’y vais un projet à la fois. Il faut accepter que ce soit long, que l’on ne puisse tout réaliser en même temps, et surtout, ne pas attendre d’avoir les conditions idéales. » Il faut éviter le malheureux piège du « tout ou rien ».

Vivre de son art en Mauricie, est-ce possible ? L’inspirante rencontre avec Isabelle Dumais nous laisse envisager que oui, à condition, bien sûr, d’accepter de vivre son art, au quotidien et avec les autres.