Je suis le marin

Saïd Farkouh, camelot métro Monmorency, L’Itinéraire, Montréal, le 1er décembre 2018

Quand j’étais marin, je naviguais sur l’océan vaste et profond qui se confondait avec l’horizon. Parcourant le monde, j’affrontais de grands dangers et j’étais souvent très fatigué. Il m’est arrivé plusieurs fois d’éviter la noyade, quand l’eau envahissait mon bateau alors que d’effrayantes tempêtes faisaient rage.

Un jour, j’ai décidé de hisser les voiles pour découvrir une autre mer, différente de toutes les mers sur lesquelles j’avais navigué. Mon désir de savoir quelle distance je pouvais atteindre était irrésistible au point que j’avais oublié tous les risques que je pouvais courir.

Ce fut un moment merveilleux lorsque j’ai hissé les voiles et levé l’ancre de mon bateau. J’étais prêt à naviguer seul, indifférent aux dangers qui pourraient me menacer. Le bleu de l’eau ressemblait au bleu de la Méditerranée, aussi large et aussi calme. Le vent poussait les voiles de mon bateau si loin du rivage que je ne pouvais plus le voir.

Je ne savais ni quelle distance ni quelle direction avait pris mon bateau, ni le temps écoulé depuis mon départ. Mais tout à coup, le bateau a commencé à virer sur place au milieu de la mer. Je me sentais nauséeux et effrayé à la fois. Je réalisais que je ne savais pas bien nager. J’ai crié que je voulais me sortir de cette mer.

Soudainement, je me suis réveillé en sueurs, effrayé. Ce n’était qu’un rêve étrange. Je me suis souvenu des détails de ce rêve quand j’ai croisé Nadine le lendemain. J’ai regardé dans ses beaux yeux bleus et j’y ai vu la pureté et la profondeur de la mer. Je lui ai raconté mon rêve et je lui ai dit que j’étais plus expérimenté en navigation après avoir navigué dans ses yeux. Elle m’a souri.

 

Les fleurs

J’ai croisé de belles fleurs dans un parc de la ville, en allant de chez moi à la station de métro. Certaines fleurs résistent encore aux premiers gels de l’automne en se parant de belles couleurs. Et elles sont toujours parfumées, bien qu’elles sachent qu’elles mourront dans quelques jours, quand le gel et le froid deviendront insupportables.

J’ai entendu une conversation entre deux fleurs, l’une disant à l’autre : « Si tu sais que tu vas mourir dans quelques jours, pourquoi donnes-tu encore de belles couleurs et une odeur magnifique ? »

« Donner, répondit l’autre, c’est la vie pour moi. Mais la mort, je m’en fous. Car après ma mort, une autre génération de ma semence va pousser au printemps pour compléter le cycle de la vie. »

 

Les arbres

À Montréal en automne, les arbres composent un tableau artistique merveilleux où les feuilles apparaissent en rouge, pourpre, jaune, vert et orange. Malheureusement, cela ne durera pas très longtemps car l’hiver viendra avec les tempêtes et la neige. Tomberont ainsi toutes ces belles feuilles qui vont se fondre dans le ventre de la terre. Ces arbres ressemblent à des gens d’un certain âge en pleine maturité et au seuil de la vieillesse, quand les cheveux gris envahissent leurs têtes. L’expérience de la vie et l’humilité colorent leur personnalité dont la vanité diminue. En conséquence, ils sont plus beaux à l’intérieur qu’à l’époque de leur jeunesse.

J’ai entendu une conversation à voix basse entre deux arbres : « Notre beauté ne durera pas très longtemps. Bientôt le vent et le gel vont faire tomber toutes nos feuilles et nos branches deviendront complètement nues. » « Je sais tout cela, dit l’autre. Mais je sais aussi que le printemps restera dans mon cœur. Il touchera mes branches avec sa magie pour faire germer une génération de nouvelles feuilles vertes qui brilleront sous le soleil. Et le cycle de la vie continuera. »