Jean-Pierre Robichaud, Le Pont, Palmarolle, septembre 2018
Pendant l’été, il y en a qui parquent leur roulotte au camping, plusieurs font du patio, d’autres vont à la pêche ou fréquentent les plages du Maine. Moi je pédale. Je mouline le territoire. C’est une passion, ça m’attire comme un aimant à chaque été. J’harnache ma monture, je gonfle les pneus à bloc, je swingne une jambe de l’autre côté de la selle et je pédale. À partir de ce moment, un immense sentiment de liberté s’empare de moi. J’entre dans une bulle et je pédale. Quel plaisir de savourer le moment qui passe, les paysages qui se succèdent, les tableaux bucoliques. Pédaler permet de voir des choses qu’on ne peut apprécier en auto. Voir, entendre, sentir l’été jusqu’à l’ivresse, voilà ce qui met du baume sur les petites souffrances de la journée.
En août dernier, je me suis tapé St-Alexis-des-Monts en Mauricie jusque chez nous à Palmarolle. Une randonnée de 835 kilomètres que j’ai parcourue en neuf jours. Ma route est passée par Rawdon et Saint-Jérôme. De là, j’ai emprunté la piste cyclable du Ptit Train du Nord jusqu’à Mont-Laurier. Puis la grande aventure du Parc La Vérendrye sur trois jours pour atteindre Val-d’Or et la civilisation. Enfin, deux jours pour rentrer à la maison.
Pas toujours facile, exténuant parfois, surtout en après-midi sous un soleil de plomb et une humidité accablante. Mais, comme disait l’autre, franchir un kilomètre à la fois, gérer l’instant présent et la destination quotidienne apparait tout à coup devant soi.
J’ai enfourché ma monture à huit heures le 7 août sous une fine pluie pour les vingt premiers kilomètres. Un peu dur sur le moral en partant. Qu’est-ce que ça augure me demandais-je? Heureusement, le soleil s’est bientôt pointé et m’a accompagné jusqu’au retour.
Qu’en est-il du sentiment de sécurité pour un cycliste sur les routes en 2018? Je dois vous avouer que la culture a profondément changé depuis quelques années. La grande majorité des automobilistes et camionneurs respectent la règle du un mètre cinquante de protection et il faut saluer la plupart d’entre eux qui donnent jusqu’à trois à quatre mètres. Évidemment, un vélo chargé comme un mulet muni d’un clignotant arrière incite à des précautions lors d’un dépassement. Cependant, il y a encore des tatas qui n’ont encore rien compris. D’abord, Autobus Maheux. Je ne sais pas comment leurs chauffeurs ont obtenu leur permis, mais ce sont les pires pour te siffler les pédales. Puis il y a les camping cars, les gros motorisés. Ces vieux mononcles n’ont guère une très large vision et roulent comme s’ils étaient seuls sur la route. Une autre catégorie est le gros pick-up noir chaussé de ses pneus à bouette et remorquant un bateau qui excède de chaque côté. Ton cœur fait un bond à chaque fois. Finalement, chez les camionneurs, dont l’immense majorité te cède largement de l’espace, l’exception est le transporteur de chips. Allez savoir pourquoi ces kings sont si cons.
Malgré ces petits désagréments, je ne me suis jamais privé de pédaler. Tout en usant de prudence, faut juste pas y penser. Sinon on reste à la maison en se berçant sur la galerie et en comptant les autos qui passent.