Anjuna Langevin, Le Mouton Noir, Rimouski
Dans le cadre de l’événement La concordance des temps, le Centre d’artistes Vaste et Vague de Carleton-sur-Mer présentait le travail de Marie-Andrée Cormier, une artiste originaire de New Richmond dont les œuvres numériques et poétiques ont parcouru les centres d’artistes du Québec et été présentées au Musée d’art contemporain de Montréal propose le regard de celle qui est partie et qui revient chez elle, le temps d’un été, le temps d’une réflexion. Elle nous parle de cette nostalgie du pays que l’on porte en soi et qui nous relie à ceux qui sont restés et à ceux qui reviennent.
En réponse au thème de la saison, « Ouverture sur le monde », Marie-Andrée Cormier proposait une œuvre en trois parties, entièrement nouvelle, créée à Carleton et dans les environs sur une période de plusieurs mois, en collaboration avec plusieurs dizaines de personnes de la région, amis, famille ou nouvelles rencontres. L’artiste explore l’angle des départs et des migrations à partir de l’intimité d’une maison que l’on quitte pour mieux y revenir. Ses installations témoignent des espaces qui nous habitent et que l’on transporte avec soi. Le travail numérique renvoie aux nouveaux moyens de communication qui nous ouvrent les portes du monde par la fenêtre d’un écran.
Traditionnellement, l’automne à Carleton-sur-Mer correspond à une saison de « migration ». Déménager la cuisine d’été, rentrer le bois pour l’hiver, fermer les auberges. La ville se replie lentement pour l’hiver, en retrait momentané du monde. En ce sens, ce travail rejoint un vécu collectif encore bien présent.
Installation immersive, la maison, qui se construit et se déconstruit dans une vidéo elle-même projetée dans le huis clos d’une autre maison, en gigogne de la première, formée de fenêtres anciennes, est captivante. Elle transporte le visiteur hors du temps, dans un espace onirique et secret. Juste à côté, une installation participative, une soixantaine de portraits polaroid pris sur le quai de Carleton-sur-Mer, offre un aperçu de ceux qui vivent ici. Présentée dans l’intimité de la structure métallique d’un lit, l’œuvre donne envie de lire leur histoire. Et finalement, une installation performative laisse une sensation d’effort et de proximité, dans la vision d’un couple de nageurs qui semblent s’agiter dans l’eau de leur matelas, projection impeccable sur un objet quotidien, trace d’un moment où chacun repousse ses propres limites, comme on doit le faire pour s’ouvrir au vaste monde ou… pour retrouver notre maison, à l’intérieur de nous-mêmes.
Le travail de Marie-Andrée Cormier touche le visiteur par un regard intime, une agglomération de souvenirs qui donnent cette impression d’étrange déjà vu, comme des lieux qu’on aurait visités en rêve. Il rejoint l’universel par la force des lieux et des objets du quotidien. C’est une invitation à revisiter les traces du territoire gaspésien en soi, un appel lancé à ceux qui sont partis vivre en ville. Il ouvre aussi la porte aux nouveaux venus, ceux qui arrivent en Gaspésie portés par l’espoir d’une meilleure qualité de vie.