Cédric Loth, un visage de la caricature

Lyne Boulet, Le Sentier, Saint-Hippolyte

L’artiste hippolytois Cédric Loth était l’invité d’honneur du Festival 1001 visages de la caricature à Val-David, du 7 au 9 octobre. L’événement s’est déroulé dans la salle communautaire de l’église de Val-David.

Une série de caricatures de peintres de renom, signées Loth, étaient suspendues sur les murs : Monet, Matisse, Toulouse Lautrec, Pollock, Warhol, etc. De nombreux autres caricaturistes y exposaient aussi leurs dessins. Et des documents d’archives du Musée McCord retraçaient l’histoire de la caricature au Québec. Qui se rappelle que la rue Henri-Julien honore un fameux caricaturiste québécois qui a travaillé au Montreal Star de 1886 à 1908?

Présentation
Au cours d’une table ronde, Christian Vachon, chef de collection du musée McCord, a retracé brièvement les étapes de la carrière de Cédric Loth.
Dans les années 70, âgé de seulement 18 ans, il commence sa carrière de caricaturiste au Devoir. Il exercera ce métier environ six ans dans différents journaux, dont le Soleil, le Droit et le Time Magazine.

Au début des années 80, il se consacre à la bande dessinée. Il travaille deux ans pour Métal Hurlant, un magazine de BD pour adultes en France. Il invente, entre autres, les personnages de Harry Zona et de Handle Withcare. On n’a qu’à lire ces noms pour deviner que Cédric Loth a un singulier sens de l’humour!

Il crée l’album Atlantic City qui connaît un grand succès. D’abord publié au Québec en 1981, l’album est ensuite repris par les Éditions Humanoïdes associés. Ce sera la première bande dessinée québécoise à être publiée en France. « Il y a des gens qui sont venus me rencontrer durant le festival avec leur vieil album deAtlantic City en main pour obtenir une dédicace, raconte Cédric Loth. Certains ont même dit que c’était la meilleure bande dessinée qu’ils avaient lue dans leur vie. Ça fait plaisir! » Il se joint en 1983 au monde de la publicité et travaille pour plusieurs grandes agences durant plus de vingt-cinq ans. Il y sera successivement concepteur et directeur artistique. « Sans me vanter, je peux dire que j’étais doué en publicité. J’ai toujours eu de la facilité à développer des concepts. Mais je ne les ai jamais tenus pour des créations artistiques. C’est regrettable de constater qu’il y a une tendance malheureuse, aujourd’hui, à considérer un concept original comme de l’art contemporain ».
Cédric Loth est autodidacte. Il a appris à dessiner en regardant les œuvres de grands illustrateurs de la fin 19<+>e<+>, début 20<+>e<+> siècle. Il a été charmé par les Français Honoré Daumier et Jean-Louis Forain, mais a surtout été marqué par des dessinateurs britanniques tels que Cecil Aldin et Ronald Searle. « Il est essentiel de connaître les bases, de bien posséder les notions de composition, de perspective et d’équilibre, dit-il. Sinon le dessin ne sera pas à la hauteur. Il y a des techniques intéressantes qui peuvent être utilisées en numérique, ajoute-t-il, mais cela demeure dans le nuage. Pour l’œil exercé, la différence avec un dessin fait main est évidente. Un dessin numérique pourra être imprimé, mais il ne sera pas incarné »

Approche
Interrogé sur sa méthode de travail, Cédric Loth précise qu’il fait beaucoup d’ébauches préliminaires avant d’en arriver à une esquisse finale. Quelquefois, il fait même un découpage-montage de parties de plusieurs croquis. Puis il fait le tracé de cette esquisse sur papier calque avant de passer au dessin final. « J’ai délaissé le format habituel des BD pour travailler autrement l’aspect graphique et le texte, précise-t-il. Je peux ainsi produire des dessins plus recherchés et des narrations plus inspirantes et plus littéraires qu’avec les bulles traditionnelles ».
Le meilleur exemple en est le conte La dinde de Noël 1 publié en 2016 aux Éditions Ras l’ Bol, sa propre maison d’édition. Cédric Loth se faisait d’ailleurs un plaisir de dédicacer cet ouvrage durant le festival.
Il travaille actuellement sur un nouvel album mettant en vedette Spray, un personnage qui vit dans un monde underground. Il devrait être publié en 2018. « Le personnage, explique-t-il, a d’abord été créé dans une forme plus simpliste, pour Iceberg, un magazine de bande dessinée québécoise publié en 1983. Mais le dessin de la version album sera beaucoup plus travaillé et l’histoire va beaucoup plus loin ».

Artiste multidisciplinaire
Cédric Loth est aussi peintre, graveur et sculpteur. Certaines de ses œuvres sculptées ont d’ailleurs été exposées à la Maison de la Culture de Saint-Hippolyte en 2006. Il est aussi le créateur de la sculpture La leçon, installée sur la rue Sherbrooke, coin McGill College, depuis 2012. Elle serait l’une des sculptures urbaines les plus photographiées de Montréal. Tout récemment, il a appris qu’un doigt de la main gauche de cette sculpture a été tranché à la scie. « Il existe des centaines de sculptures dans l’espace public dont certaines traversent même les siècles, commente-t-il. Avec le bronze, je croyais réaliser des œuvres plus intemporelles alors que les caricatures, elles, sont éphémères. Et ce que je voyais comme un ouvrage qui traverserait le temps s’est retrouvé dégradé plus rapidement que mes dessins! » Un bien fâcheux contretemps. Mais un artiste à l’humour mordant comme Cédric Loth y a décelé une manifestation de l’ironie du sort…