Michel-Pierre Sarrazin, Ski-se-Dit, Val-David, mai 2017
Pascale Dussault nous a rencontrés à sa descente d’avion. C’est une femme moderne. Elle vit sur la planète, tantôt ici (à Val-Morin), tantôt là, c’est-à-dire surtout à Santa Rosa, à 90 km au nord de San Francisco, dans la vallée de Sonoma, entre les vignes et le Pacifique. Une ville détruite par le tremblement de terre de 1906. Une ville où Alfred Hitchcock a situé l’action de L’Ombre d’un doute, en 1943. Où on a tourné depuis une trentaine de films. Une de ces villes de Californie qui absorbe avec élégance l’influence mexicaine et postmoderne, où il fait toujours beau, où la lavande sauvage pousse dans les collines, où il suffit de rouler une heure pour se retrouver sur les plus belles plages du monde.
Pascale y travaille avec son mari d’origine texane et qui, comme elle, est ingénieur. Pascale a un curriculum vitae impressionnant : maîtrise en génie chimique de la Colorado School of Mines, Golden, 2013; baccalauréat en génie chimique de Polytechnique, Montréal, 2011; traduction de documents scientifiques du français à l’anglais; nombreuses bourses d’excellence; recherches en milieu universitaire; production de documents éducatifs sur les procédés chimiques, et publication, en 2016, de son premier roman aux éditions JCL : La Fiancée au corset rouge. Elle qui est si moderne, la voilà qui nous plonge, avec ce livre, dans le tumultueux passé de ses ancêtres acadiens. Elle dit : « Petite, je voulais devenir historienne et je lisais beaucoup. J’ai toujours voulu écrire un livre. En Californie, je m’ennuie de parler français. J’ai donc trouvé ça agréable d’écrire dans cette langue. De reprendre mon projet d’adolescente. »
L’histoire est celle d’Adélie, partie de La Rochelle en 1688 afin de rejoindre son fiancé en Acadie. Dès son arrivée dans la baie de Chedabouctou, au sud-est de ce qui allait devenir la Nouvelle-Écosse, le navire sur lequel elle a voyagé est attaqué par des pirates. Arie van Staaten, Flamand, pirate et premier lieutenant du flibustier Peterson, tombe amoureux de la jeune femme. Commence alors un récit d’aventures chevaleresques pour lequel Pascale Dussault a suivi un plan rigoureux, comme elle aime à construire ses textes. Un travail acharné pour aboutir en sept mois avec ce premier ouvrage d’une trilogie en plein développement. « Ce récit est basé sur des faits historiques, à la différence que mon héroïne arrive, comme ce fut le cas de tant d’immigrants au XVIIe siècle, sur un bateau qui est attaqué sur la côte atlantique, au seuil du Cap-Breton. Elle doit se rendre jusqu’à la baie de Fundy, où vit son fiancé, de l’autre côté de l’île, immense et sauvage, prisonnière d’un homme amoureux d’elle et qui, en ces temps révolus, se fait un point d’honneur de la conduire auprès de son fiancé. »
Le rêve de Pascale Dussault est un peu comme celui d’Adélie, sur un plan parallèle. Si Pascale a déjà trouvé son amoureux, elle est encore en pleine jeunesse, et il lui faudra encore traverser l’immense territoire de la littérature pour devenir romancière à temps plein. Bien sûr, le génie chimique est une affaire différente du génie littéraire. Mais la formation scientifique de cette auteure de chez nous l’aidera sans doute à garder courage quand, au détour de ses histoires, un beau pirate tentera de la dérouter de son récit. Après tout, elle ne serait pas la première scientifique à franchir le continent sauvage de l’imaginaire.
Je pense à Patricia Cornwell, auteure de romans policiers, d’abord chroniqueuse judiciaire puis informaticienne au bureau du médecin légiste de Virginie, qui est aujourd’hui une auteure lue dans le monde entier. La rigueur scientifique peut faire bon ménage avec les rigueurs de l’écriture. Nul doute que Pascale Dussault saura suivre son instinct, qui est la matière première d’un écrivain.