Joel Lelièvre, Le Mouton NOIR, Rimouski, janvier-février 2017
« Mais qu’est-ce que tu cherches au juste?
– Je cherche des sons… qui me plaisent. »
Musicien formé au Conservatoire de Rimouski, Tom Jacques fait résonner toutes sortes de percussions au sein de Tour de bras et du GGRIL, ou encore dans diverses formations comme le quartette jazz Manta, le trio percussif Bascaille, Éric Normand Chante, ou encore Kalafuba, un ensemble de percussions brésiliennes. Il accompagne régulièrement des groupes et s’intéresse aux musiques traditionnelles du monde. Le musicien sait aussi s’asseoir derrière un piano (il est autodidacte) ou gratter une guitare – mais seulement pour jouer du Brassens… idéalement dans un café jazz du Costa Rica.
Tom commence à jouir d’une belle tribune grâce à ses récents projets. Peut-être l’avez-vous croisé au récent Salon des métiers d’art auquel il participait à titre d’artiste en résidence, une première pour l’événement.
Des synergies insoupçonnées
En plus de ses divers projets de performeur, Tom se consacre à l’élaboration de nouveaux instruments pour alimenter sa quête sonore et ses compositions. Afin de donner naissance à des instruments de qualité, porteurs d’opportunités euphoniques et de beaux bruits, le musicien s’adjoint l’expertise d’artisans locaux.
Mais comment en vient-on à se lancer dans une telle aventure?
Tout débute au fin fond de Tom, là où sont lovées ses valeurs. Il y a trois ans, l’envie lui prend de jouer du udu, un instrument percussif traditionnel nigérien découvert par hasard sur le Web. Ses recherches confirment que pour acquérir un tel instrument à prix « raisonnable », il doit le commander à l’autre bout du monde. Pour parvenir entre ses mains, l’objet devra faire le tour de la planète après avoir été conçu dans des conditions… éthiquement discutables.
Tout cela sonne faux. Mais l’inspiration saisit rapidement Tom : et s’il demandait à un céramiste d’en façonner un pour lui? À ses yeux, l’idée brille d’un double bénéfice : elle lui permet non seulement de respecter ses valeurs, mais aussi d’aller à la rencontre d’un autre créateur, d’un autre humain.
Le musicien rencontre le céramiste Louis Lagacé, dont les argiles ne se sont jusque-là jamais transformées en instruments. Si Lagacé se montre réticent de prime abord, « après deux ou trois udu, je crois qu’il y a pris goût », soupçonne Tom, tout sourire. Comme le plaisir est au rendez-vous, les deux artistes décident de sortir du standard et de travailler sur des udu inédits, made in Rimouski.
Ce sont les portes d’un tout nouveau monde d’expérimentations sonores qui s’ouvrent à Tom qui, à l’origine, n’était pas habité pas cette curiosité. Cerise sur le sundae, le pèlerinage acoustique auquel il se consacre interpelle le Conseil des Arts du Québec, qui devient son mécène!
Matières et rencontres/matière à rencontre
L’aventure se poursuit avec Alain Fournier, « ingénieux ébéniste et tourneur de bois », puis avec la verrière Ito Laïla Le François et avec Guillaume Timmons, forgeron. Depuis peu, Tom collabore avec Emmanuel Guy, également ébéniste. Guy poursuit une démarche artistique en parallèle de son métier, ce qui ouvre la voie à une exploration différente du bois, mais aussi de la collaboration elle-même.
Le chemin du musicien l’amène maintenant à s’intéresser à la modification d’instruments déjà existants, et ce, toujours en partenariat avec des artisans. Car Tom persiste et signe : sa quête est résolument faite d’alliances dans lesquelles chacun apporte sa part d’idées : « C’est nécessaire. Je ne veux pas décider de tout. Nous élaborons une démarche ensemble. J’apprends avec eux comme ils apprennent avec moi. Au final, on crée un instrument ensemble. »
Ce qui lui plaît le plus dans cette démarche? « C’est la rencontre qui m’intéresse avant tout. L’échange humain, le fait d’aller à la rencontre de l’artisan. » S’allier dans un processus créatif apparaît d’ailleurs aussi important que le résultat obtenu, une façon de penser qui rejoint les préceptes de la musique improvisée. Pour Tom, le collaborateur se présente à la fois comme une limite et une occasion. Une bonne chose, puisque Tom mentionne malgré tout apprécier les paramètres et les cadres en création musicale… Et quelle plus belle contrainte, n’est-ce pas, que l’autre?