Sébastien Giguère, Le p’tit journal de Woburn, Woburn, janvier-février 2017
Le mont Mégantic, c’est le royaume de la neige. La quantité de neige y tombant chaque hiver est phénoménale. Bien que située en plein sud du Québec, la montagne se classe pourtant dans la même catégorie d’enneigement que les régions de Charlevoix, des monts Valin et de la Gaspésie. C’est le lieu le plus enneigé au sud de Québec. Si plusieurs l’associent naturellement aux étoiles, Mégantic est d’abord synonyme de neige pour les adeptes du plein air. Explorer la forêt et les sommets du mont Mégantic l’hiver, en raquette ou en ski, est une expérience inoubliable. L’hiver opère une véritable magie blanche et transforme la forêt en un palais de cristal scintillant de mille éclats. C’est un pur enchantement.
Quel est le secret de cet enneigement exceptionnel? Encore ici, l’altitude et le relief conjuguent leurs efforts. Leur impact à la baisse sur la température engendre une autre conséquence importante: l’humidité relative est poussée à la hausse et l’air se rapproche de son point de saturation en vapeur d’eau. Les basses températures encouragent donc la condensation et la précipitation de l’eau.
La vapeur d’eau est l’un des nombreux gaz qui composent l’atmosphère. Invisible, on ne doit pas la confondre avec les nuages ou les volutes de condensation qu’on observe au-dessus d’une bouilloire et qui sont composés de fines gouttelettes d’eau redevenue liquide. L’eau sous forme gazeuse constitue entre 0 % et 4 % de l’air que nous respirons. Pour se maintenir à l’état de vapeur, les molécules d’eau ont cependant besoin d’une énergie de mouvement minimum. Lorsque les molécules ralentissent et se refroidissent, elles s’associent et la vapeur se condense en eau liquide. C’est le point de rosée. Cette température correspond au moment où l’humidité relative atteint 100 % et elle varie en fonction de la pression et de la quantité absolue de vapeur présente.
Ainsi, plus il fait froid, plus la vapeur d’eau se condense sous forme liquide ou solide, et moins il reste de vapeur dans l’air. À l’inverse, plus il fait chaud, plus l’eau liquide s’évapore, et plus il y a de la vapeur dans l’air. Le résultat est qu’à 30oC, il peut y avoir jusqu’ à 3 % de vapeur d’eau dans l’air que nous respirons, alors qu’à 0o C, il n’ en reste pas plus de 0,5 %.
Ce phénomène de condensation par refroidissement est responsable de la brume que nous expirons dans l’air froid et de celle qui peut apparaître lorsque nous ouvrons la porte du congélateur. Il explique aussi pourquoi, dans certaines conditions, la présence de montagnes favorise la formation de nuages et de précipitations.
Lorsqu’une masse d’air au-dessus de Montréal est transportée par les vents d’ouest vers le mont Mégantic, elle est progressivement soulevée par le relief du plateau appalachien, puis, plus brusquement, par celui du massif lui-même. En arrivant au-dessus des sommets, cet air s’est typiquement élevé de 1 km et refroidi de 7oC. Conséquemment, si cette masse d’air est passée à Montréal à 20oC avec un taux d’humidité de 70 %, elle s’est refroidie en cours de route jusqu’à 13oC et l’humidité relative atteint maintenant 100 %. Conséquemment des nuages se forment. Lorsque des nuages sont déjà présents à l’arrivée de la masse d’air, leur rencontre avec le relief de la montagne peut alors déclencher des précipitations.
Fruit de ces jeux de vapeur et d’altitude, la quantité de précipitations que reçoit le mont Mégantic est significativement plus grande que celle de son environnement régional. Ainsi, alors que la ville de Sherbrooke reçoit en moyenne 2,9 m de neige, c’ est plus de 5 m qui s’accumulent à la base du massif. Et les sommets en reçoivent encore plus puisque les chutes annuelles moyennes y avoisinent les 7 m !
Cet enneigement exceptionnel fait la renommée du mont Mégantic dans le milieu du plein air et cela se comprend. La saison hivernale y est la plus hâtive du sud de la province, les accumulations y sont exceptionnelles, les conditions moins vulnérables aux redoux, et, au printemps, la neige y persiste longtemps après que la saison du vélo soit ouverte en ville.
Mais au-delà des chiffres et des explications, l’atmosphère du mont Mégantic est d’abord une expérience à vivre, riche en beauté et en sensations. Couchers de soleil grandioses, jeux de nuages fascinants, variations de températures surprenantes, vents puissants, air pur, neige abondante; ce n’est pas que la nuit que le ciel s’y donne en spectacle.
Source: Sébastien Giguere, Le parc du Mont-Mégantic – De la Terre aux étoiles, Muséologie ln Situ Inc. / SEPAQ, 2012. Le livre est disponible chez l’éditeur et à la SÉPAQ. Pour le commander: museologie.insituinc@gmail.com ou à la boutique du parc national du Mont-Mégantic