Aurélien Gallant, Tam Tam, Matapédia, octobre 2016
Comment parler de la coopérative de St-Alexis sans parler de l’agriculture dans la région? Les débuts de l’établissement des Acadiens de Rustico dans le canton de Matapédiac en 1860 inaugurent la colonisation et l’agriculture de la vallée de la Matapédia.
Les défricheurs n’étaient pas paresseux; les archives de 1863 nous révèlent que certains avaient déjà entre 15 et 18 arpents en culture. Il y avait 56 cultivateurs dans la paroisse. En 1880, environ 3200 acres étaient en culture.
En 1886 la paroisse donne naissance à un cercle agricole, les forces de l’époque s’organisent. Le Cercle agricole dispense aussi de l’information aux agriculteurs et encourage les jeunes au travail de la terre.
Certains avaient du succès car, en 1889, des échantillons des productions d’ici sont envoyés à l’exposition agricole de Paris. Déjà en 1893, le curé J.E. Pelletier parlait d’une beurrerie et d’une fromagerie. La transformation est vue comme une source non négligeable de revenus pour les producteurs. En 1894, le rêve est devenu réalité avec la première fromagerie de la paroisse. La production laitière de 1913 est de 63 000 livres.
Les producteurs laitiers sont séduits par l’idée de devenir propriétaires de leur entreprise et voient dans la formule coopérative le modèle adéquat pour réaliser leurs projets futurs. La Société coopérative agricole de Saint-Alexis-de-Matapédia est donc fondée en 1916. La même année, la coopérative fait l’acquisition de la fromagerie du village et de ses équipements. Il existait aussi une fromagerie située à Saint-Benoît, elle fut fondée en 1906 et ferma ses portes en 1930.
En 1917, on inaugure un nouveau bâtiment et la nouvelle vocation de la coopérative sera dorénavant la fabrication du beurre. Les producteurs ne négligent pas la formation et participent la même année à un cours abrégé d’agriculture. On y parle d’animaux de race pure, de contrôle laitier, d’utilisation des produits du lait.
Un fait intéressant à noter, pendant ce temps, le monde autour vit au rythme de la première guerre mondiale. En mai de l’année précédente, le premier ministre du Canada, Borden, instituera la conscription. Les producteurs laitiers de la région ne semblent pas trop affectés par les soubresauts politiques du temps. La coopérative traversa les décennies et les bouleversements économiques sans trop de peine, ajoutant à ses opérations la vente de semences et d’engrais ainsi que les moulées. Le 28 mars 1956, l’entreprise avait des projets de nouveau bâtiment lorsqu’un violent incendie vint bouleverser les événements et précipiter le besoin d’une nouvelle bâtisse. Après 39 ans d’opération les membres retroussèrent les manches et relevèrent le défi de la réorganisation.
La nouvelle beurrerie ultra-moderne pour l’époque fut aussi le prétexte d’une nouvelle association des producteurs de la région. Maintenant, l’association regroupera les municipalités de Saint-Alexis, de l’Ascension, de Saint-François-d’Assise, de Saint- André et de Matapédia. Les fromageries de l’Ascension, de Saint-François et Saint-André fermèrent et les producteurs rejoignirent la nouvelle coopérative régionale. L’inauguration eut lieu le 15 juin 1956.
En date du 24 octobre 1956, la beurrerie avait reçu 594 232 livres de crème pour une fabrication totale de 263 811 livres de beurre. Dans notre région, 246 producteurs livraient leur crème à la coopérative. Les ventes s’élevaient à 145 408 $ pour un revenu moyen de 590 $ par producteur. Jusqu’à la fin des années 60, la coopérative s’occupe aussi du chargement du bétail en direction des abattoirs. La diminution du nombre de producteurs, l’exil de la main-d’œuvre vers les villes et la régionalisation des moyens de production et de transformation obligent les coopérants à revoir encore leurs moyens de survivre aux changements qui se présentent à eux. Dorénavant, une Coopérative régionale située à Amqui et regroupant tous les producteurs de la vallée de la Matapédia, ainsi que ceux des Plateaux, s’occupera dans sa nouvelle usine de fabriquer les nouveaux produits en demande: beurre, poudre de lait et lait écrémé. Ce fut la fin des beurreries locales.
Dans les années 60, la Société coopérative fit la demande de permis à la municipalité pour permettre la vente de fruits et, légumes et plus tard, elle se dota aussi d’un permis de vente d’alcool. Octobre 1969 mit fin définitivement à la beurrerie et au transport d’animaux. La mission de la Société coopérative se transforma et se concentra dans la vente de denrées alimentaires. En 1979, les pompes à essence et les réservoirs sont changés et l’on ajoute un entrepôt au bâtiment existant.
Au début des années 80, le statut de la Société coopérative agricole fut transformé en celui de Coopérative de consommation de Saint-Alexis. En 2000, suite à la fermeture de la quincaillerie Jacques Dufour cie Ltée, la Coop transforme son sous-sol pour permettre d’ajouter les produits de quincaillerie à son inventaire. Aujourd’hui, il est possible de trouver à la Coopérative : matériaux de construction, peinture, revêtement de toiture, etc.
En 2016, de nouveaux défis se présentent encore à nous: contexte économique différent, diminution de la population, changement dans les habitudes de consommation de la clientèle, présence des grandes surfaces. Il est difficile de prévoir l’avenir mais si nous mettons en pratique les grands principes de la coopération, de l’effort collectif et solidaire de tous les membres, nous devrions pouvoir permettre à notre Coopérative de vivre encore longtemps. La grande richesse de la Coopérative avant toutes choses, ce sont ses membres! Longue vie à la coopération.
Sources : Livre du centenaire de Saint-Alexis, 1960 par J.A. Beaulieu – Saint-Alexis en progrès,1960-1985, un collectif de St-Alexis
– La vie à St-Alexis-de Matapédia, 1985- 2010 – Le Glaneur, feuillet paroissial de St-Alexis – Les archives : Aux sources de notre
mémoire