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Il suffit de regarder l’horizon

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Lise Millette, L’Indice bohĂ©mien, dĂ©cembre 2024/ janvier 2025

RĂ©cemment, le devoir m’a conduit jusqu’à La MorandiĂšre-Rochebaucourt, qui marquera en janvier 2025 les deux ans de son fusionnement en Abitibi.

Abel-Étienne La MorandiĂšre Ă©tait capitaine et investi dans l’armĂ©e de Montcalm. Il semble que, dans les rĂ©cits historiques, on ait perdu toute trace du prĂ©nom de l’aide de camp du cĂ©lĂšbre gĂ©nĂ©ral. Il est connu simplement par son nom de famille de la Rochebaucourt. Au fil du temps, certains dĂ©tails s’évanouissent.

Je ne m’étais encore jamais aventurĂ©e dans cette partie de la rĂ©gion oĂč se dressent des plantations de saules et oĂč, dans les vallons, on peut avoir un point de vue sur l’horizon. Au coucher du soleil, c’est un spectacle d’une grande beautĂ©.

Cette excursion dans les terres m’a permis de rĂ©aliser le chemin parcouru, le labeur des colonisateurs du pays neuf. Le dĂ©veloppement du territoire est fascinant en soi, et pouvoir l’observer Ă  travers une ligne du temps qui a Ă  peine un peu plus de 100 ans est un privilĂšge. Dans ces plans de promesses Ă  bĂątir, il y a lieu de s’interroger sur le sort de l’occupation de ce territoire, mais aussi de nos rapports avec les gens qui s’y Ă©tablissent et qui choisissent d’y rester.

Le solde migratoire de l’Abitibi-TĂ©miscamingue 2022-2023, dont les donnĂ©es ont Ă©tĂ© publiĂ©es en juin 2024 par l’Institut de la statistique du QuĂ©bec, s’écrit Ă  l’encre rouge. Le nombre de personnes ayant quittĂ© la rĂ©gion est plus important que le sont les nouveaux rĂ©sidents, et ce, pour diffĂ©rentes raisons. À l’exception de quelques rares gains, cette tendance perdure depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000.

Et pourtant, notre rĂ©gion a tant Ă  offrir, Ă  commencer par l’occasion de bien vivre l’époque dans laquelle on se trouve.

CONNAISSEZ-VOUS LA NAUPATHIE?

J’ignorais ce mot, naupathie, qui est le terme, disons mĂ©dical, pour parler du mal de mer.

Revenons aux bases biologiques. La naupathie survient lorsque s’exerce une forme d’incohĂ©rence entre ce que l’on voit et ce que l’on perçoit. En mer, l’oreille interne perçoit le mouvement du bateau, ce qui perturbe le centre de l’équilibre et gĂ©nĂšre un sentiment de vertige et des nausĂ©es.

Il s’agit ni plus ni moins d’une perturbation, quelque chose qui, dans le cerveau, ne fonctionne pas. Les mĂ©canismes du corps, refusant cette confusion, entraĂźnent divers malaises : Ă©tourdissements, nausĂ©es. Notre corps refuse de composer avec des signaux et des Ă©lĂ©ments contradictoires. Le phĂ©nomĂšne peut survenir en mer, sur diffĂ©rents types d’embarcations et dans une variĂ©tĂ© de lieux de navigation.

Et si la naupathie pouvait aussi exister sur la terre ferme, sous forme d’allĂ©gorie, lorsqu’il faut manƓuvrer sa barque en eaux troubles, dans une Ă©poque tumultueuse, avec, sur le radar atmosphĂ©rique, un avis d’ondes de tempĂȘte? Rien n’est sĂ»r. Un bulletin mĂ©tĂ©o est composĂ© de diffĂ©rentes variables qui Ă©voluent en systĂšme, sous des conditions en dĂ©veloppement. C’est la mathĂ©matique du temps, des statistiques, des probabilitĂ©s, qui s’avĂšrent ou non.

Cette mĂ©canique du temps, cette onde de tempĂȘte, dĂ©cuplĂ©e en autant d’ĂȘtres humains, dans un systĂšme – disons politique plutĂŽt que mĂ©tĂ©orologique – peut s’avĂ©rer tout aussi imprĂ©cisĂ©ment prĂ©dictible. Le refus de perception, causĂ© par l’incohĂ©rence entre ce qui se passe et ce que l’on espĂ©rait ou croyait se dessiner, peut gĂ©nĂ©rer un certain « mal du temps prĂ©sent », une lecture anxiogĂšne des possibles, un vertige pour certaines personnes.

Il existe diverses stratĂ©gies pour lutter contre la naupathie ou le mal de mer. La premiĂšre consiste Ă  Ă©viter de regarder la mer afin de ne pas renforcer cette perception d’une incohĂ©rence entre ce que l’on voit et ce qui est ressenti Ă  l’intĂ©rieur. Si possible, visez un point fixe, une bande de terre, trouvez un point d’ancrage.

Au loin, loin devant. L’arrivĂ©e d’une nouvelle annĂ©e. Une occasion de rebondir, de se fixer de nouveaux objectifs, d’anticiper positivement ce qui vient.

Autre astuce : visez l’horizon.

Ça tombe bien, ici, l’horizon est vaste à souhait.