Le Lac à la truite d’Adstock

Véronique Roy, Pascal Binet et collaboration spéciale de Martine Poulin, L’Arrivage d’Adstock, Adstock, septembre 2024

UN HISTORIQUE FAVORISANT LA CONSERVATION DU LAC

Le lac à la Truite est un havre de paix pour les premières familles qui s’y établissent à partir des années 30. Ce sont des saisonniers, provenant principalement de la région de Thetford, qui construisent un premier chalet afin de profiter de l’été, de contempler le paysage du mont Adstock et de pratiquer la baignade, la voile et la pêche.

Les propriétaires de lots accèdent du côté ouest à partir du chemin qui se rend au lac du Huit, appelé à l’époque le lac Clapham. Ils y parviennent aussi via le côté nord, non sans difficulté. Il fallait remonter le chemin du Lac Bécancour, qui n’est qu’un chemin forestier plein de cabosses, et passer devant la ferme Poulin. Certains doivent même utiliser une chaloupe pour se rendre à leur résidence d’été.

Les premières installations par le côté ouest dans la baie Fortin sont aménagées graduellement par les familles Fortin et Cyr. Oliva Cyr, chirurgien-dentiste de sa profession, et Joseph Émile Fortin, médecin, sont de bons amis et se partagent certains lots qu’ils ont acquis d’un agriculteur du coin. Ils construisent un chemin à partir du onzième rang pour se rendre jusqu’à leur chalet dont leur famille profite tout au long de l’été.

M. Cyr est une personne impliquée dans la communauté de Thetford Mines. Il est élu échevin de la ‘’cité’’ de Thetford Mines dès 1924 et en devient le maire en 1929. Il a probablement inspiré l’installation de la prise d’eau de Thetford au lac à la Truite quelques années plus tard.

Quant à M. Fortin, il pratique à Robertsonville de 1909 à 1942, puis à Thetford Mines, en 1942, où il est attaché à l’Hôpital Saint-Joseph. Il devient médecin attitré de la mine Lake Asbestos à partir de 1955. Il est élu maire de Robertsonville en 1933 et député de l’Union nationale à l’Assemblée législative en 1957.

LA RÉSERVE D’EAU POTABLE

Dès le début des années 40, la ville de Thetford Mines acquiert des terrains pour installer son système d’approvisionnement en eau potable dans la baie Fortin. La construction de la prise d’eau se fait rapidement et elle est inaugurée le 7 juillet 1951.

La rivière de l’Or, qui prend sa source dans le lac du Huit, traverse le territoire de la Presqu’île dans un milieu humide filtrant qui régule les eaux qui se dirigent vers le lac à la Truite. La rivière de l’Or se déverse alors dans la baie Fortin et elle représente l’apport principal en eau fraîche du lac à la Truite.

Au début des années 60, le lac du Huit est déjà bien développé et la ville de Thetford est inquiète de la pollution des eaux de ce lac par ses habitants qui se rendent à leur résidence l’été.

À l’époque, il n’y a pas de norme sur la gestion des eaux usées des chalets et chacun réalise ses installations sanitaires comme bon lui semble. Un rapport sur les risques de pollution est remis aux échevins de la « Cité » de Thetford qui indique que le nombre élevé de résidents au lac Clapham (du Huit), le faible débit d’eau de sa décharge (rivière de l’Or) et la température plus élevée en été amènent des risques importants de pollution de l’eau potable de la ville de Thetford prélevée au lac à la Truite. La rivière de l’Or n’a pas de lettre de noblesse à l’époque et est tout simplement appelée la ‘’Décharge du Lac Clapham’’, ce qui indique la qualité des eaux provenant de ce lac. Pour éviter que son eau potable ne soit perturbée, la ville de Thetford Mines adopte un projet en 1963 pour faire l’acquisition des terrains en bordure du lac à la Truite, limitant ainsi le développement de la villégiature et pour y creuser un canal afin de dévier la rivière de l’Or vers la baie Nord-Est (secteur chemin du Bocage).

C’est une période où le chômage dans les régions est endémique et les gouvernements provincial et fédéral offrent des subventions intéressantes aux villes qui veulent faire travailler leurs citoyens. Le canal sera creusé à bras d’hommes à partir de l’automne 1963.

Les connaissances et les impacts sur l’environnement en 1963 ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui. Les plans préparés par l’ingénieur de la ville de Thetford Mines et approuvés par les ingénieurs du ministère de la Santé prévoit un canal de déviation creusé en ligne droite. Le ministère de l’Environnement n’existe pas encore. C’est le ministère de la Santé qui approuve les plans et ils sont prévus pour protéger la santé des citoyens qui consomment cette eau potable. Malheureusement, cette configuration accélère la vitesse d’écoulement de l’eau vers le lac à la Truite et les berges du canal sont soumises à une érosion continue qui est aggravée par les crues du printemps et les pluies importantes. L’érosion des berges du canal cause l’envasement rapide d’une grande partie de la baie Nord-Est du lac à la Truite. Ces changements anthropiques (causés par l’être humain) ont des impacts majeurs sur la baie Nord-Est qui voit son écosystème modifié. Avec les années, les résidents du chemin Bocage ont les pieds dans la boue lorsqu’ils se baignent. De plus, le doré jaune perd son environnement idéal pour frayer à l’embouchure de la rivière de l’Or qui est pratiquement asséchée.

UN BARRAGE POUR RÉGULARISER LE NIVEAU DE L’EAU

Vers la fin des années soixante-dix, la consommation d’eau potable de la ville de Thetford Mines est plus élevée et le niveau du lac s’en trouve affecté durant l’été, surtout lors des temps de sécheresse. Les riverains sont préoccupés par ces variations. Plusieurs se mobilisent et demandent des correctifs. Le gouvernement du Québec et la ville de Thetford Mines s’entendent pour construire un barrage à l’effluent du lac, infrastructure mise en service en 1982. Le barrage retient ainsi l’eau au printemps afin de réduire l’impact de la consommation d’eau durant l’été sur le niveau du lac. Un décret est adopté par le fait même pour statuer sur le niveau du lac.

Toutes les acquisitions de terrain par la ville de Thetford au fil des années pour fournir à ses citoyens une belle eau potable de qualité ont permis de créer un ensemble de 67 hectares qui est composé d’un milieu humide et d’une forêt mature communément appelé la Presqu’île. Afin de maintenir la qualité de l’eau au lac à la Truite, la ville de Thetford a conservé la Presqu’île à son état naturel jusqu’en 2022 et environ 20% du pourtour du lac ne s’est pas développé au point de vue de la villégiature.