Alain Boudreau, Graffici, Gaspésie, juin 2024
Dans les années 60, il y avait chez-nous à Maria une parade de chars allégoriques à l’occasion de la Saint-Jean-Baptiste, aujourd’hui la Fête nationale du Québec. Pour moi qui étais petit gars, c’était toute une affaire, un peu comme le défilé de Noël du magasin Eaton à Montréal qu’on pouvait voir à la télévision à cette époque. Pour rien au monde, je ne voulais manquer ces évènements. Lors d’une édition de la parade à Maria, je me souviens que la pluie tombait comme si on nous avait versé un seau d’eau sur la tête. J’étais très inquiet à l’idée que l’activité soit annulée. Assis à l’arrière de la voiture de mon père, bien positionné le long de la route, je m’efforçais de désembuer les fenêtres pour tout voir. Après un certain retard causé par le déluge, je vois enfin poindre à l’horizon un petit bonhomme blond frisé, accompagné de son mouton, qui incarnait Saint-Jean-Baptiste; il était la confirmation que la parade avait lieu, et même si je ne comprenais pas vraiment tout le sens de la fête, mon coeur d’enfant était comblé!
Certains évènements nous marquent plus que d’autres. C’est peut-être en partie à cause de cette anecdote que je me suis autant investi, à différents niveaux, pendant une quarantaine d’années dans l’organisation de cette fête en Gaspésie. Je le fais encore aujourd’hui, mais dans une moindre mesure, puisque cet évènement revêt beaucoup d’importance pour moi…
Pour cette chronique, j’avoue sortir de la thématique loisir mais n’oublions pas le caractère très festif de la Fête nationale et qui dit festivités, dit une forme de divertissement, donc de loisir! Voilà pour ma justification!
Pour la petite histoire …
Le 24 juin 1834, Ludger Duvernay, journaliste, organise à Montréal ce qui s’avère être les premières Fêtes de la Saint-Jean-Baptiste. Il voulait, par ce geste, célébrer le fait français en Amérique et instaurer une fête patriotique, même si celle-ci a donné naissance, par la suite, à des mouvements plus politiques. Quant à Jean le Baptiste, devenu un saint, il serait né le 24 juin, ce qui coïncide en gros avec le solstice d’été, la journée la plus longue de l’année, qui donnait lieu, à l’époque, à des activités de toutes sortes et qui ont leurs origines en Europe. Il est considéré comme le patron des Canadiens français. Vue jadis comme une fête à connotation religieuse, la Saint-Jean-Baptiste devient officiellement, le 24 juin 1977, la Fête nationale du Québec et un congé férié pour tous. La Fête nationale, d’abord une fête patriotique … La Fête nationale n’est pas une fête politique… À preuve, le gouvernement la soutient avec un programme d’aide financière (le Programme d’assistance financière aux célébrations locales de la Fête nationale du Québec), peu importe la couleur du parti au pouvoir. « Le Programme d’assistance financière a pour objectif de favoriser l’organisation de réjouissances visant à susciter la participation, la solidarité et la fierté de toutes les Québécoises et de tous les Québécois ». Même si on nous dit que l’enveloppe de ce programme n’a pas suivi l’inflation depuis longtemps (des pressions se font actuellement au niveau provincial pour la bonifier), il demeure qu’elle a survécu au fil du temps.
Dans notre région, c’est la Société nationale Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (SNGIM) qui coordonne, entre autres mandats, ce programme et qui offre du support aux comités désireux de souligner la Fête. En 2023, une vingtaine de projets ont été financés, ce qui constitue une légère baisse par rapport aux années passées. À chaque année, un montant est dédié à un projet régional de plus grande envergure, lequel se tient à Petit-Cap en 2024. Pour recevoir de l’aide financière au niveau local, il faut respecter plusieurs critères dont la présentation obligatoire des activités suivantes : un hommage au drapeau fleurdelisé, un discours patriotique et un plan pour les décorations avec les drapeaux, banderoles et autres objets thématiques. S’ajoutent un peu partout sur le territoire, selon les traditions locales, d’autres activités aux célébrations tels les feux de joie, les soirées de musique, les grandes tablées, les défilés, etc.
Le programme d’aide financière encourage la présentation du plus grand nombre possible de manifestations locales (dans les municipalités, les quartiers, etc.). Pour ma part, en Gaspésie, je suis d’avis qu’il devrait y avoir moins de projets et qu’ils soient mieux subventionnés. Actuellement, des municipalités gaspésiennes rapprochées présentent simultanément, ou presque, les mêmes activités visant parfois les mêmes clientèles. Ces activités coûtent cher et demandent temps et énergie; nous assistons, à mon avis, à des dédoublements improductifs.
Par ailleurs, la SNGIM soutient que la Fête revêt un caractère plus familial que par le passé, ce qui suit la tendance de plusieurs évènements et rassemblements populaires. Sauf quelques exceptions, les lois et surtout
les attitudes ont changé, pour le mieux, et les fêtards se sont assagis…
La Fête nationale du Québec, comme bien d’autres, doit s’efforcer de réduire son empreinte environnementale; c’est pour cette raison que le programme d’aide financière insiste sur cet aspect. Je me souviens que, jusqu’au début des années 80, nous allumions des feux de joie avec du gaz et de l’huile et
pour en mettre plein la vue, nous mettions des pneus usagés sur le sommet… Quel beau spectacle! Là-dessus, nous n’avons pas de leçons à donner aux jeunes d’aujourd’hui. Heureusement que les temps changent… De nos jours, compte tenu de leur utilité écologique, notamment dans la protection des berges, il est même recommandé de ne pas utiliser le bois de mer pour les feux de joie, mais plutôt d’acheter du bois comme certains le font déjà.
Exprimons notre fierté!
Le 24 juin, c’est donc l’occasion de célébrer notre fierté peu importe notre origine, notre couleur ou notre allégeance politique ou l’une ou l’autre de nos différences, car ce n’est pas ça qui est important. Ce qui est important, c’est de se rappeler qui nous sommes et en être fiers!
Plus que jamais, les enjeux concernant notre langue, notre culture, en somme notre avenir, sont préoccupants; il me semble que le souligner, ne serait-ce qu’une journée par année, n’est pas de trop…
Commémorons nos ancêtres, nos bâtisseurs et nos héros. Célébrons notre identité, nos artistes, nos grandes réalisations. Faites de cette journée votre propre fête!
Alors, entre amis, sur votre terrasse, au chalet, dans les restos ou lors des activités organisées dans votre localité, pavoisez aux couleurs blanc, jaune et bleu et prenez part à la Fête! Si ce n’est pas encore le cas pour vous, et bien faites en sorte dorénavant que la Fête nationale du Québec soit plus qu’un simple congé férié…
Bonne Fête nationale du Québec!