Yves Nantel, Ski-se-Dit, Val-David, mai 2024
Le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et les territoires, a fixé au cours des années des cibles à atteindre pour contribuer à la réduction des émissions de GES : 45 % en 2030 et la carboneutralité en 2050. Sachant que le gaz carbonique (CO2) constitue 72 % des GES, il a élaboré un plan spécifique de « tarification de la pollution par le carbone ».
S’appuyant sur le principe du pollueur-payeur, il comprend deux mesures : 1) une redevance sur la vente des combustibles imposée aux distributeurs et, par ricochet, aux consommateurs; 2) un système de tarification fondée sur le rendement (STFR) imposé aux grandes industries.
Soulignons tout de suite que le Québec et la Colombie-Britannique ne sont pas soumis à ces mesures, car ils ont leur propre système, compatible avec le plan canadien.
La redevance sur les combustibles
La première mesure consiste à imposer une redevance sur l’essence, l’huile à chauffage, le kérosène, le gaz naturel, etc. Ce sont les distributeurs (Esso, Petro-Canada, Shell, Énergir) qui la prélèvent puis la retournent au gouver- nement, mais ils ont le loisir de la répercuter sur les consommateurs. En définitive, ce sont ces derniers qui la paient lors de leurs achats de combustible. C’est cette mesure qu’on appelle la « taxe carbone ».
La tarification sur le rendement
La deuxième mesure s’applique aux industries les plus émettrices de carbone telles que les pétrolières, les raffineries, les papetières, les cimenteries, les transformateurs de métaux. Les experts du gouvernement calculent les émissions de CO2 selon les secteurs d’activité et fixent des niveaux d’émission (en tonnes) à ne pas dépasser. En cas de dépassement, les industries déboursent un montant qui va croître chaque année.
L’administration des mesures
Le 1er avril dernier, le montant des « taxes » est passé de 65 $/tonne à 80 $/tonne. Rapporté au litre d’essence, cela signifie une augmentation de quelque 3 ¢/litre. Ajoutons qu’il est prévu que ce montant augmente de 15 % par année pour atteindre 170 $/tonne en 2030.
Le gouvernement fédéral offre aux provinces d’administrer les mesures, mais elles sont libres d’appliquer leurs mesures particulières. Sous la gouverne du fédéral, ce dernier renvoie 90 % des sommes directement aux familles tous les trois mois en ce qui concerne la redevance sur les combustibles.
Le Directeur parlementaire sur le budget a estimé que les familles les moins nanties recevaient des sommes supérieures à leur mise. Dans le cas du STFR, les sommes sont retournées aux provinces afin qu’elles investissent dans l’aide aux entreprises à réduire leurs émissions.
Dans les faits, les provinces ont très largement laissé l’administration de la redevance au fédéral, se préservant celle du STFR.
Comment agissent-elles sur la réduction des GES?
La tarification sur le carbone est considérée par les experts de différents organismes internationaux comme le meilleur moyen d’atteindre les objectifs et les cibles de réduction de GES. À ce jour, plus de 73 pays ont implanté cette mesure ou sont en processus d’implantation.
Cette tarification sur le carbone vise à dissuader les consommateurs individuels et les entreprises d’utiliser les combustibles impliqués :
•le pétrole dans les autos, les camions, les autobus, les avions (kérosène) pour le transport;
•l’huile à chauffage pour le chauffage; •le gaz naturel pour le chauffage et la cuisson.
Comme mentionné plus haut, les sommes récoltées sont redistribuées aux ménages, et cela, en fonction de leur taille (personne seule, avec conjoint.e et nombre d’enfants). Celles qui ont déjà adopté les énergies renouvelables, donc qui ne paient plus la redevance, reçoivent aussi cette ristourne : une sorte de récompense pour avoir fait le pas.
C’est certain que les ménages qui possèdent deux ou trois véhicules, surtout des VUS, qui font des trajets longs ou voyagent souvent par avion, qui possèdent des VTT ou autres n’y gagneront pas au change, et la pression sera plus forte pour qu’ils passent aux renouvelables. C’en est l’objectif.
Ces mesures sont complémentées par les subventions aux véhicules électriques ou encore à l’achat de thermopompes.
Cette pression vise aussi à ce que les producteurs et fournisseurs d’énergie convertissent leur capital vers les énergies renouvelables.
Le gouvernement estime que la tarification de la pollution (les deux mesures expliquées ici) contribuera dans une proportion de 30 % à l’atteinte de l’objectif de réduction des GES pour 2030, avec des cibles annuelles présumées passant de 19 millions de tonnes en 2022 à 79 millions en 2030.
Qui est du bord de dame Nature?
Même si les Québécois n’y sont pas assujettis, il est important de comprendre l’impact de ces mesures car, en 2025, nous aurons à voter à l’élection fédérale. Pierre Poilièvre, chef du Parti conservateur, fait déjà campagne en promettant d’abolir la « taxe carbone » et en laissant les entreprises s’autoréguler. « Niet » de sa part sur les options pour la réduction des GES. Cette décision serait irresponsable et de courte vue.
Les experts s’entendent pour affirmer que l’absence d’agir coûterait énormément plus cher en adaptation, à la suite des feux de forêt, inondations, sécheresses et autres conséquences, que ce que nous appliquerions pour contenir les émissions en vue de la réhabilitation du climat.
Il faut se placer du côté de dame Nature.