Nos caissières et le contact humain

Clémence Lord, L’Attisée, Saint-Jean-Port-Joli, décembre 2023

Certains n’hésitent pas à annoncer la fin du métier de caissière qu’ils qualifient de dépassé, d’obsolète dans un monde en constante transformation, en digitalisation. Les objectifs espérés : améliorer l’efficacité et la production de l’entreprise, diminuer les dépenses salariales et augmenter en bout de piste les profits.

Le «scan achat» et la caisse automatique instaurés timidement à leur début dans certains secteurs font jouer au client un rôle bénévole, qui fait tout le travail lui-même, même l’emballage ! Sans tambour ni trompette, on réussit ainsi à évacuer tout contact humain… et à donner l’impression aux plus pressés de sauver du temps. Mais qu’en est-il dans nos vies de la perte de plus en plus fréquente de contact humain?

Caissière : métier de femmes à 85 % au Québec, où on en dénombre pas moins de 60000. Travaillant dans ce domaine la plupart du temps au salaire minimum et faut-il le rappeler sans pourboire. De longues heures debout, autour de 40 heures (pourtant en France elles effectuent ce même travail assises) mouvements répétitifs qui peuvent occasionner maux de dos, d’épaules, varices… La caissière doit démontrer une capacité à travailler sous pression, faire preuve de rapidité d’exécution, d’autonomie, d’attention sélective (enregistrer les produits sans erreur pendant que le client lui parle). Être honnête, ponctuelle, assidue, respecter les normes et règlements du magasin. Elle doit aussi s’adapter aux nouvelles exigences technologiques qui alourdissent sans cesse sa tâche : coupons, promotion, cartes de fidélisation et à l’occasion faire de l’emballage. Elle participe à la bonne réputation de l’entreprise par la qualité de son travail, son accueil, sa courtoisie, sa disponibilité et son sourire. Même auprès des clients qui lui expriment sur un ton parfois hargneux leurs doléances… concernant les services reçus bien avant d’arriver à sa caisse. De quoi expliquer la perte parfois momentanée de son sourire… avec le prochain client.

Pour vous parler de ce métier, j’ai demandé à rencontrer quatre des caissières les plus expérimentées du domaine de l’alimentation travaillant à la Co-op La Paix. Pourquoi avoir choisi le monde de l’alimentation? La réponse est fort simple : qui ne fait pas son épicerie à toutes les semaines et ses emplettes terminées se retrouve devant la caisse. Lorsque j’ai demandé à ces dames ce qui donnait le plus de sens à leur travail, même après toutes ces années, leur expérience dans le domaine variant de 17 à 46 ans, elles ont répondu unanimement avec un élan de passion dans la voix : le contact humain avec la clientèle ! Revoir les mêmes clients à chaque semaine, s’entretenir de brefs instants avec eux, garder ce travail à hauteur humaine. Je dois avouer que ça m’a sonnée un peu… qu’un travail exigeant, répétitif, peu reconnu et mal rémunéré nourrisse toujours cette flamme au travail grâce au contact humain. Je leur lève bien haut mon chapeau !

J’ai en plus rencontré leurs deux supérieures actuelles qui ont exercé le métier de caissière auparavant. Le contact humain est aussi au cœur de leur travail quotidien.

Raymonde Caron œuvre depuis 43 ans à la Coop, dont 19 ans comme caissière, par la suite comme cadre. Madame Poulin l’a qualifié de «pilier de la bâtisse, qui connaît tous les services comme le fond de sa poche ». Madame Caron dit toujours éprouver « un vif sentiment d’appartenance à la maison ».

Comme clients, sachant dorénavant comment leur travail leur tient à cœur, l’importance qu’elles accordent au contact humain… Ne vaut-il pas la peine que nous prenions un instant pour les saluer chaleureusement et les remercier de leur excellent travail. Car à n’en point douter, c’est le contact humain qui donne un sens à nos vies!