Le jardinet Saint-Sulpice. (Photo: Philippe Rachiele, JDV)

Des voisins et des jardins

Christiane Dupont, Journaldesvoisins.com, Montréal, octobre-novembre 2023

Alors que l’été est bel et bien terminé, que la nature se fait plus frileuse, les rencontres avec les voisins seront moins fréquentes, sauf éventuellement pour ramasser les feuilles ou encore pour pelleter!

De même, les visites dans nos potagers et aux jardinets des jardins communautaires reprendront seulement au printemps, alors que la période des récoltes touche à sa fin. Alors, pourquoi en parler? Parce que les deux thématiques m’ont laissé un goût amer.

Bas les pattes!

Tout le monde le sait: les relations avec nos voisins ne sont pas toujours harmonieuses. Chicanes de clôture, animaux qui piétinent les plates-bandes du retraité d’à côté, enfants qui vivent leur vie de tout-petits, mais qui parfois empiètent sur le gazon bien entretenu d’un voisin, spécimen humain trop envahissant… Bref, toutes les occasions sont bonnes pour un citoyen (trop) pointilleux de se fâcher vis-à-vis de ses semblables vivant à proximité.

En revanche, d’autres résidents s’entendent tellement bien avec leurs voisins qu’ils ont des espaces communs, s’invitent les uns et les autres pour casser la croûte, et vont même à s’échanger des heures de gardiennage pour leur progéniture.

Entre les deux, il existe une autre sorte de voisin: celui ou celle qui ne veut rien savoir de ses semblables et qui affiche une indifférence marquée à leur endroit. Dans cette catégorie, il existe aussi des voisins qui craignent de devenir amis avec leurs semblables et qui ont tôt fait de mettre le holà! à une éventuelle relation. Cela m’est arrivé il y a plusieurs mois, et j’avoue que ce rejet fait de façon manuscrite m’a marquée; j’y pense encore!

Pourtant, je n’étais pas envahissante, mais désireuse de nouer une bonne relation avec de nouveaux voisins, ce qui fut tué dans l’œuf, comme le dit l’expression! Une aventure qui a refroidi mes ardeurs de bonne voisine, moi qui suis sociable, mais également un brin sauvage! Je n’en demandais pas tant!

Rassurez-vous : ce n’était pas à Montréal. Tout de même! Heureusement que les autres voisins des environs sont plus amicaux; leur rencontre fut un baume sur mon amertume. Je serais curieuse de savoir si d’autres ont connu un épisode semblable au cours de leur vie…

Ségrégation au jardin

Comme le rapportait Radio-Canada en août dernier, Montréal est la capitale mondiale de l’agriculture urbaine. La Ville compterait 208 hectares de potagers dans les cours arrière des maisons de ses citoyens, ajoute la société d’État. Et plusieurs arrondissements mettent à la disposition de ses résidents des jardinets dans les jardins communautaires ; c’est notamment le cas d’Ahuntsic-Cartierville, qui est peut-être l’arrondissement qui en compte le plus sur le territoire montréalais.

Jusqu’à il y a quelques années, le quartier mettait les jardinets à la disposition des citoyens montréalais qui en faisaient la demande, peu importe leur arrondissement de provenance.

Et d’une année à l’autre, ces mêmes citoyens pouvaient renouveler leur présence dans les jardins communautaires sans problème. Mais il y a quelques années, la demande augmentant, la priorité fut donnée, pour les nouveaux inscrits, aux seuls résidents du territoire de l’arrondissement, les anciens ayant cependant conservé leur droit de garder leur jardinet. Certains y jardinent depuis plus de 10 ans, plusieurs d’entre eux ne sont d’ailleurs pas de première jeunesse.

Toutefois, récemment, l’arrondissement a décidé de changer les règles sans crier gare, unilatéralement, et sans proposer d’autre solution que l’expulsion. Comme plusieurs centaines d’Ahuntsicois veulent, eux aussi, un lopin de terre, et qu’il n’y a pas de place pour tout le monde, l’arrondissement a prévenu les 89 Montréalais hors territoire d’Ahuntsic-Cartierville qu’ils perdraient leur jardinet l’an prochain.

Ce fut une levée de boucliers! Une opposition s’est tout de suite formée et a donné lieu à une pétition en bonne et due forme, laquelle fut présentée au conseil d’arrondissement du 11 septembre. Coup de théâtre!

Sans doute ayant eu vent de tout ce branlebas de combat, les élus ont annoncé d’entrée de jeu que les « expulsés » bénéficieraient d’un sursis de trois ans. L’annonce fut accueillie avec soulagement, mais un brin d’inquiétude. Les pétitions furent tout de même déposées…

Ma fille, dans la jeune trentaine, m’a fait voir un autre point de vue. Il y a trois ans, elle avait fait une demande pour un tel jardinet, sans succès. Quand on lui en a proposé un, l’an dernier, elle venait de prendre la décision de déménager dans une autre région. Trop tard!

Le problème reste entier. La solution en satisfait certains et en déçoit d’autres. Mais toutes les avenues ont-elles été envisagées?

Un compromis est toujours possible. À titre d’exemple, plutôt que d’enlever à grand-mère ce qui lui fait du bien, pourquoi ne pas avoir tenté d’y associer un nouvel inscrit?

Il me semble que le partage ne peut être que bénéfique pour les deux! Tiens : voilà qui nous ramène à la notion de bon voisinage!