Les feuilles de la renouée du Japon sont arrondies, avec une extrémité pointue. Photo : Nicolas Rivard

Le défi de la renouée du Japon

Nicolas Rivard, Aux quatre coins, Ascot Corner,
septembre 2023

Les habitués de la promenade du Lac-des-Nations, à Sherbrooke, auront peut-être remarqué l’apparition récente d’une membrane de plastique noire recouvrant le sol sur plusieurs dizaines de mètres carrés en bordure de la piste multifonctionnelle. Prévue pour les cinq prochaines années, cette intervention drastique, mais nécessaire vise à éliminer une plante aussi envahissante que récalcitrante.

La renouée du Japon est une plante herbacée dont les tiges vertes ou rougeâtres rappellent celles du bambou. Originaire d’Asie, elle est aujourd’hui considérée comme l’une des pires plantes envahissantes dans le monde en raison de son imposant système racinaire qui la rend extrêmement difficile à contrôler. Sa facilité à former un nouveau plant à partir du moindre fragment de tige ou de racine explique aussi sa propagation rapide.

En plus de quelques jardiniers insouciants qui multiplient la renouée volontairement, elle profite de n’importe quels travaux d’excavation pour voyager dans la terre ou sur les équipements et envahir de nouveaux sites avec une efficacité redoutable. Une fois établie, ses racines peuvent s’infiltrer dans les drains, les fissures des fondations et même défoncer un pavage en asphalte. Ses tiges peuvent atteindre plus de 3 m de hauteur et forment un bosquet dense empêchant complètement la croissance d’autres plantes et réduisant grandement la biodiversité.

Les jeunes pousses ont une couleur rougeâtre facilement reconnaissable.
Photo : Nicolas Rivard

Le Royaume-Uni, où la plante a été introduite au milieu du 19e siècle, est aujourd’hui aux prises avec une infestation généralisée. La préparation des sites pour les Jeux olympiques de 2012 a impliqué des dépenses de 70 millions de livres pour l’élimination de la renouée du Japon, et la perte de valeur totale du secteur résidentiel est aujourd’hui estimée à 20 milliards de livres à l’échelle du pays. Les poursuites pour vice caché se multiplient, comme l’illustre le cas récent d’un homme qui, après avoir vendu sa maison 700 000 £, a dû verser 200 000 £ pour avoir omis de divulguer la présence de renouée.

Malgré son introduction plus tardive au Québec – en 1901 selon le ministère de l’Environnement, de la lutte contre les changements climatiques de la Faune et des Parcs (MELCCFP), la renouée du Japon est désormais présente dans toutes les régions de la province. Les villes comme Québec, Trois-Rivières et Sherbrooke sont particulièrement touchées, mais le MELCCFP répertorie aussi plusieurs foyers d’infestation dans le Haut-Saint-François, incluant à Ascot Corner.

Les tiges matures de la renouée du Japon rappellent celles du bambou.
Photo : MELCCFP

Au début de l’été, des résidents du secteur du chemin Biron ont eu une bien mauvaise surprise en découvrant des milliers de morceaux de racine de renouée du Japon dans une livraison de terre en vrac obtenue d’un entrepreneur peu scrupuleux. Après plusieurs semaines d’efforts soutenus pour éradiquer cet indésirable, d’innombrables jeunes pousses continuent toujours à émerger surles lieux du sinistre. Sans intervention supplémentaire de la part des résidents touchés, une colonie s’établira de façon durable surleur propriété et s’étendra aux terrains adjacents.

Les différentes approches pour lutter contre la renouée du Japon incluent la coupe répétée des tiges, le recouvrement de la colonie avec une membrane solide et l’application d’herbicides tels que le glyphosate. Une solution plus drastique consiste à retirer l’entièreté du sol dans la zone touchée. Comme les racines peuvent s’étendre jusqu’à une vingtaine de mètres du plant sur plusieurs mètres de profondeur, les couts peuvent être considérables. Les tiges coupées et la terre excavée doivent par ailleurs être éliminées convenablement, au risque de propagerle problème.

Dans tous les cas, l’élimination d’une colonie de renouée du Japon demande un suivi et des efforts ininterrompus pendant plusieurs années – voire décennies – avant de porter fruit. Comme bien souvent dans la vie, mieux vaut prévenir que guérir, et la simple inspection d’un banal « voyage de terre » pour la présence de racines ou de tiges peut éviter bien des tracas.

La renouée du Japon forme d’imposantes colonies, notamment le long des routes.
Photo : MELCCFP

Pour plus d’information :

La renouée du Japon. MELCCFP

https://tinyurl.com/yc53acew

Samanth Subramanian. The war on Japanese knotweed. The Guardian.

https://tinyurl.com/4vtmsnat

Daniel Jones et al. Optimising physiochemical control of invasive Japanese knotweed. Biological Invasions.

https://tinyurl.com/5xe3stp8