Le bassiste Patrick Boivin est très en demande parmi la communauté musicale autochtone. Photo : Dominic Bérubé

Patrick Boivin et la musique comme oxygène

Magali Boisvert, La Gazette de la Mauricie, avril 2023

Dans le cadre de notre série de portraits d’artistes des quatre coins de la Mauricie, nous avons créé une chaîne intitulée Donner des fleurs au suivant. Le concept ? Chaque artiste nomme la personne suivante que nous allons rencontrer. C’est ainsi que la chaîne s’est rendue jusqu’à Jacques Newashish, qui a nommé l’artiste du mois, Patrick Boivin, bassiste et producteur atikamekw.

Ne cherchez pas de vidéo ou d’article dédié à Patrick Boivin. Celui que Jacques Newashish désigne comme « humble » et « passionné » est fidèle à sa description. Le musicien évoque plus souvent qu’autrement les autres artistes avec lesquels il collabore et parle rarement de son propre talent. On peut le voir sur scène juste derrière les grandes stars autochtones telles que Florent Vollant ou Claude Mckenzie – sans oublier son rôle de conseiller dans le Conseil des Atikamekw de Wemotaci. Portrait d’un musicien de l’ombre qui braque la lumière sur les membres de sa communauté.

Kwei Patrick ! Quel est ton parcours dans le milieu culturel ?

Je suis un musicien qui n’est pas vraiment rattaché à un groupe, j’aime donner un coup de main aux artistes, je joue beaucoup avec un peu tout le monde, des artistes atikamekw, innus… Par exemple, je suis le bassiste de Scott-Pien Picard, Florent Vollant, là j’ai aussi Pako. Ça fait au-dessus de 25 ans que je fais ça.

Souvent, ce que je me dis, c’est que je ne veux pas regarder la parade passer, j’aime ça être dedans. La musique, ça m’a sauvé la vie. C’est ça qui m’a permis de canaliser mon énergie dans la musique, j’ai rencontré beaucoup de gens dont le défunt Gilles Sioui ; c’était un de mes grands amis dans le temps, qui est décédé. Avec Gilles, j’ai rencontré Florent Vollant. J’ai fait beaucoup de route avec lui, autant dans l’ouest qu’à l’est.

J’ai été chanceux. Ça, c’est parce que je ne me suis pas arrêté, j’ai continué. J’aimais ça. Je me suis toujours dit : “Je vais faire ça pour moi avant tout.” Je suis chez moi, je branche mon instrument, et puis le téléphone sonne ; en ayant des contacts, des discussions avec des gens, on m’appelle.

Ça fait plusieurs éditions que je fais Innu Nikamu [festival autochtone estival à Mani-Utenam, sur la Côte-Nord, dont la 39e édition se tient cette année]. C’est un peu mon oxygène, mon gaz. Il n’y avait pas beaucoup de spectacles autochtones dans le temps, on n’avait pas Facebook – c’est ça qui amplifie beaucoup nos carrières aussi. On était dans nos communautés, on se promenait un peu à Obedjiwan, Manawan, pas plus. Là, il y a une demande, une bonne écoute au niveau de la musique autochtone. Il y a 20 ans, c’était plus difficile.

Le téléphone a sonné il y a un an, c’était Anne-Karine Tremblay de Musicaction. C’était un projet pour former des producteurs autochtones. Il y avait moi, Mathieu Mckenzie, de Mani-Utenam, sa femme Nelly Jourdain avec qui ils ont le studio Makusham, où Florent Vollant vit, puis Luc Vincent-Savard de Wendake. On était nous quatre à faire ce projet-là, donc on a appris en ayant des mentors, des producteurs établis. Il fallait trouver des artistes, alors j’ai trouvé un artiste qui s’appelle Pascal Ottawa, Pako de son nom d’artiste. [L’album de Pako, Nanto, produit par Patrick Boivin, est sorti depuis le moment de l’entrevue.]

Je suis contente d’entendre que les initiatives en musique autochtone foisonnent. On n’en entend pas assez parler, selon moi.

C’est une demande, ils ont mis sur place des prix [pour les artistes autochtones] au gala de l’ADISQ, alors on nous invite à prendre la place. C’est à nous, les Autochtones, de répondre, d’y aller. Il y a d’autres artistes, comme Laura Niquay, Maten, Shauit, on commence à être plus nombreux et plus structurés aussi. Ça va être grandissant, dans ce secteur culturel là, de plus en plus, on en est bien contents.

Qui voudrais-tu que l’on rencontre pour le prochain portrait d’artiste ?

Kellya Awashish de Obedjiwan. J’aime beaucoup ce qu’elle fait, elle confectionne des médaillons et aussi des boucles d’oreilles. C’est beaucoup de travail.

« Souvent, ce que je me dis, c’est que je ne veux pas regarder la parade passer, j’aime ça être dedans. » Photo : Dominic Bérubé