Que ce soit à travers leur engagement dans un club sportif local, dans un festival ou dans une organisation communautaire, les bénévoles peuvent eux aussi faire face à certains défis. Photo : Jean-Philippe Thibault

La charge mentale des bénévoles, quelqu’un s’en soucie ?

Alain Boudreau, Graffici, Gaspésie, avril 2023

Les organismes sans but lucratif (OSBL), et leurs bénévoles, sont des microcosmes avec des individus ayant chacun leur personnalité. Ils sont la plupart du temps bien intentionnés, parfois un peu moins. Il arrive souvent que des bénéficiaires de services d’organismes causent des ennuis aux bénévoles qui sont responsables de ces services; ils ne comprennent pas toujours la raison d’être d’un OSBL, ils croient être des clients qui font affaire avec des commerçants!

Jetons un coup d’œil sur des histoires inspirées de faits vécus, de personnes (aux prénoms fictifs) qui ont vu leur implication bénévole mal tourner …

Gisèle, retraitée de l’enseignement depuis quelques années, a cru bon s’engager dans sa communauté, en devenant présidente du Club des 50 ans et plus. Après tout, elle a maintenant plus de temps et cette tâche lui permet de rendre service et de rencontrer plein de gens. Bien intentionnée qu’elle était au départ, Gisèle s’est vite retrouvée au centre d’un important conflit au sein de son conseil d’administration (CA). Au cœur de la discorde, le renvoi d’un administrateur qui a dérogé aux règlements du Club. Malgré les heures de discussions concernant cette décision, deux camps se sont formés au sein du CA : ceux qui sont en faveur de l’éviction du fautif et qui plaident pour un principe de saine gestion, et ceux qui sont contre prétextant la faible gravité de la faute. Deux clans, deux visions, avec au centre une présidente qui ne voit pas comment le tout se réglera. Gisèle qui n’aime pas les conflits dort mal depuis quelques semaines, elle qui est tellement bienveillante. À bout de nerfs, elle a donné sa démission et garde un mauvais souvenir de son engagement. Elle s’en rappellera longtemps même si pour autant, elle n’a pas fait une croix sur le bénévolat.

Gervais joue au hockey depuis qu’il est tout jeune. Depuis quelques années, il évolue dans une « ligue de garage » et pour lui, pratiquer son sport favori avec les boys, ça n’a pas de prix. L’an dernier, l’engagement bénévole sur le plan de l’organisation de la ligue a fait défaut à un point tel que les activités ont été suspendues pendant la moitié de la saison. Cette année, lui et quelques autres joueurs ont décidé de s’engager pour éviter un arrêt définitif. Sans trop s’y connaître, notre dévoué Gervais a accepté de se porter responsable des finances. Avec de l’aide, il a fait un budget pour la cinquantaine de joueurs qui composent la ligue. Un budget serré comme il dit, un peu trop peut-être… En fin de saison, six participants n’avaient pas payé leur dû et l’équilibre financier a été sérieusement compromis… Gervais, très amer, s’est juré que s’il était encore là l’an prochain, il s’y prendrait autrement. Il va revoir les règles pour éviter tout le stress qu’il a vécu en cours de saison; il est là pour s’amuser, pas pour collecter des mauvais payeurs.

Claire, qui détient une fromagerie, a toujours été une adepte des festivals. À ce point qu’elle a pris l’initiative de créer La Fête au Village dans son patelin, pour mettre en valeur les produits du terroir qu’on y retrouve en abondance. Les premières éditions ont été de véritables succès : belle programmation, une participation au-delà des attentes et une température inespérée! Claire était très enthousiaste, à ce point qu’elle et son comité ont pris la décision d’embaucher une personne pour coordonner l’événement dans le but d’alléger la tâche des bénévoles qui, comme elle, étaient là depuis le début. Ils espéraient tous trouver la perle rare mais la réalité a été tellement différente… Une personne a bel et bien été embauchée mais dans les mois qui ont suivi, les choses ont dégénéré. En plus d’être incompétente, la nouvelle ressource a fait acte de malversation. Le comité n’a eu d’autre choix que de la congédier à quelques semaines de l’événement, geste qu’elle a vivement contesté. La cause a été portée devant la cour, le verdict est en attente. Les membres du comité organisateur de la Fête au Village ont trouvé très éprouvante cette aventure à un point tel qu’ils ont pris la décision de suspendre l’événement pendant une année, pour probablement le reprendre l’année suivante avec l’ancienne formule qui reposait entièrement sur le bénévolat. Entretemps, plusieurs ont quitté le navire très déçus d’avoir vécu une telle expérience…

Cette chronique n’a pas pour but de vous décourager dans votre engagement bénévole. Chacun doit trouver sa place où il est apprécié à sa juste valeur, où il est bien dans son engagement et où il évite les écueils même si parfois c’est difficile, voire inévitable dans certains cas. Comme bénévole, vous avez des droits mais aussi des responsabilités. Vous devez vous demander si vous êtes entièrement intègre, si vous êtes bien entouré et bien outillé. Le statut de bénévole ne vous permet pas d’errer et de penser que tout finit par se régler tout seul.

Quant à ceux et celles qui bénéficient des services des bénévoles, faites preuve d’indulgence. Pensez-y deux fois avant d’exiger, de critiquer et de juger. Vous êtes en face d’une personne qui offre de son temps gratuitement et qui mérite minimalement le respect, la reconnaissance et le droit à l’erreur. Nous présumons que chaque bénévole s’engage pour les bonnes causes; faisons en sorte de lui donner raison et ainsi rendre son expérience des plus positives!

En passant, bonne Semaine de l’action bénévole du 16 au 23 avril prochains!