« J'ai eu beaucoup de plaisir à écrire ce livre. »

Dualité nordique

Éric Cyr, Le Trait d’Union du Nord, Fermont, janvier 2023

Après la sortie remarquée en 2019 de son premier livre, Terminal Grand Nord, récipiendaire du Prix Jacques-Mayer du premier roman, et dont le récit se déroule à Schefferville, Isabelle Lafortune récidive en novembre 2022 avec une nouvelle œuvre de fiction, Chaîne de glace, qui ne laissera pas le lectorat de glace. Bien au contraire, la trame narrative suscitera l’intérêt jusqu’à la dernière page.

Selon la romancière, cet accouchement littéraire s’inscrit dans la continuité de Terminal Grand Nord, mais il n’est nul besoin d’avoir lu ce dernier pour se plonger dans le nouvel ouvrage qui déploie un univers en soi et présente un scénario indépendant du précédent. L’autrice redonne vie à certains personnages connus des lecteurs de Terminal Grand Nord que l’on retrouve sept ans après leurs premières péripéties. Elle renoue notamment avec l’enquêteur Émile Morin, quelque peu ébranlé mentalement par la précédente affaire, et son collègue Giovanni Celani, qui pose un regard parfois cynique et décapant sur la société dans laquelle on vit, mettant en relief certaines contradictions humaines.

C’est à l’occasion d’une visite à sa fille Angelune pour les fêtes de Noël qu’Émile Morin se trouve malgré lui mandaté pour enquêter sur le meurtre d’un ressortissant chinois, dont le cadavre a été découvert à la centrale hydroélectrique de La Romaine-1. Un « hasard » surprenant puisqu’il ne se passe jamais rien du genre dans le coin. Parallèlement, lui et Giovanni, qui l’accompagne, sont sans nouvelles depuis un moment de leur ami Sam, disparu sans que personne ne sache où il se trouve. Une série de pistes les mèneront à se demander si les deux histoires pourraient être reliées. Quel peut être le rapport entre la mort d’un Chinois à Havre-Saint-Pierre et la disparition de Sam à Schefferville ?

Humanité et profondeur

C’est dans cette optique qu’entre en scène la dimension philosophique du roman. L’autrice fait intervenir le philosophe Baruch Spinoza pour créer un effet d’écho à ce qui se trame dans l’histoire. « J’aimais l’idée d’éprouver la théorie du déterminisme de Spinoza. Comment ça s’articule dans la vraie vie, ça ? C’est pourquoi j’ai organisé cette succession d’actions pour la mettre à l’épreuve. Et… ça fonctionne ! Mais soyez rassurés, c’est écrit de façon que tout le monde puisse comprendre. »

L’écrivaine explique que le lecteur peut aborder ce roman de diverses façons et que les événements, tout comme c’est le cas dans la réalité, sont interreliés dans un tourbillon de causes à effets et que ce vortex donne une idée de la complexité du monde.  « Chacun d’entre nous possède une part d’ombre et personne n’est à l’abri de la corruption. J’avais envie d’illustrer la dualité qui habite chacun des protagonistes et j’explore plusieurs aspects de leurs personnalités. Qui sont réellement les méchants ? Personne n’est complètement innocent… », confie Isabelle Lafortune qui avoue être très fière de ce dernier opus.


« J’ai eu beaucoup de plaisir à écrire ce livre destiné à un public diversifié et qui constitue plus qu’une simple intrigue policière en raison de sa dimension sociologique, psychologique et philosophique. »


Effectivement, dans cette seconde parution dont la structure est composée de courts chapitres qui produisent un effet haletant et dynamique, Isabelle Lafortune pointe certains enjeux sociaux. Elle considère que nous devrions nous préoccuper davantage de ce qui se passe dans le territoire nordique en gérant mieux les ressources qui s’y trouvent.

Qui sait si celle-ci, qui déclare avoir le goût d’aller visiter Fermont, pourra un jour s’inspirer de cette autre localité nordique pour la rédaction d’un nouveau bouquin ?

Bonne lecture.