www.isabelletremblay-artiste.com

Le son du coup de pinceau raffiné d’Isabelle Tremblay

Slawomir Kowalczyk, Le Saint-Armand, Armandie, Novembre 2022

 

Forts effets de contraste, coups de pinceaux raffinés, lignes dynamiques et visages humains intacts, je qualifierais Isabelle Tremblay de « Marietta Robusti contemporaine ». D’une extravagance capricieuse. Voilà de quoi se compose le monde créatif et l’imagination de la peintre québécoise, sa vision artistique.

Sa carrière trouve ses débuts au Québec autour d’une première collection composée, entre autres, d’une œuvre intitulée La Joie de l’Âme, présentée en 2001 à la Galerie L’Entre-Cadre de Montréal. Ce sera le départ d’une grande série d’œuvres qu’elle produira pour diverses galeries.

Cependant, sa popularité auprès de la clientèle québécoise n’ira pas immédiatement de pair avec l’opinion des critiques d’art portant sur ses habiletés et ses talents au pinceau, leur admiration étant souvent mêlée de surprise face à son audace et à son authenticité.

En matière de peinture, l’artiste incarne le talent le plus surprenant, affichant un style étrange, extraordinaire, habile et décisif. On peut le voir dans ses œuvres à travers des compositions de scènes exécutées de façon unique, comparativement à d’autres maîtres dans le domaine. Elle arrive à magnifier cette originalité avec des idées nouvelles et fantastiques, sous les traits d’étranges apparitions de son esprit, comme s’il s’agissait d’un coup du hasard et sans esquisse préalable. Un phénomène en elle si naturel que, à la voir, on considérait presque que l’art est un amusement ou un griffonnage ludique.

Il est évident qu’elle recherchait son identité artistique dans une sorte d’opposition à l’art existant, peignant l’essence de l’être humain dans son expression classique et purifiée. Il nous est certes impossible d’expliquer cela à travers des idées traditionnelles, en affirmant par exemple qu’il s’agit d’un récit inventif, rebelle et multiforme. Le « problème » est plus complexe.

Ayant largement repoussé la peinture moderne et les idées du jour, et adopté clairement, au début de sa carrière et de sa vie, les modèles de son propre « maniérisme », elle s’efforce d’être à la fois audacieuse et formelle. De la perfection technique de ses pièces, ainsi que de la subtilité et du raffinement de celles-ci, émanent la quintessence et la liberté de formes.

Ainsi, à travers ces modalités, elle s’exprime non seulement grâce à une autre morphologie du langage pictural, dans lequel la touche d’acrylique est finement utilisée, mais principalement dans la nature idiosyncrasique de toute sa création.

Qu’il s’agisse de ses œuvres antérieures ou actuelles, elle n’a jamais abandonné l’aspect pittoresque de la peinture. Elle arrive à transposer cette singularité principalement à travers la relation complexe de couleurs et de teintes, peut-être plus que dans l’aspect spatial de la réalité. Elle a ainsi développé un style distinctif, tant au niveau du traitement des effets de contraste (clair-obscur) que dans la vision qui l’amène à représenter l’humain différemment.

Notons que, dans nombre de ses peintures, la lumière n’est ni naturaliste ni même rationnelle. Elle provient d’une variété de sources pour lesquelles il serait difficile de trouver une explication physique. Certains caractères sont forts, voire éclairés par réflecteur, d’autres sont sombres et montrés à contre-jour, tandis que d’autres encore brillent de leur propre lumière intérieure.

La profondeur de la peinture étant soulignée par cet effet de clair-obscur, sans modèle de la réalité extérieure, la peintre juxtapose alternativement des zones ombrées avec des zones claires, faisant fi de la logique et de la probabilité de tels phénomènes dans la nature et ce n’est que dans quelques-unes de ses œuvres que l’on trouve une perspective. Le plus souvent, la perspective est intuitive et l’on peut y trouver, à l’occasion, plusieurs espaces indépendants qui n’ont rien en commun les uns avec les autres de même que plusieurs points de vue simultanés.

Aujourd’hui, Isabelle Tremblay maîtrise à merveille cet effet précieux de légèreté, l’impression d’une ruée vers l’exécution et ce, en dissimulant toutes formes de difficultés techniques. Cela rappelle nettement le concept de sprezzatura du XVIe siècle, qui voulait qu’on affiche une apparence de nonchalance raffinée.

Un naturel déconcertant, sous lequel nous discernons toutefois un comportement soigneusement appris, peut-être emprunté à la « bonne étiquette » qui, dans la théorie de l’art de l’artiste, a été transformée en une grâce, nous amenant à transcender l’impression d’efforts laborieux et les limites techniques de la création.