Magali Boisvert, La Gazette de la Mauricie, Juillet 2022, Trois-Rivières
Laura Niquay était de passage au Festivoix le 3 juillet dernier après avoir sorti son dernier album en 2021, Waska Matisiwin, sur lequel se retrouve le morceau au succès monstre « Moteskano ». Nous l’avons rencontrée pour parler de ses inspirations, de l’importance de la langue atikamekw et de son amour de la musique.
« Aller vers l’inconnu »
Alors que beaucoup d’artistes refusent de plus en plus les étiquettes accolées à leur son, Laura Niquay accepte les siennes : folk, rock, grunge… Du moins, pour l’instant. « J’aime essayer des nouveaux styles de musique aussi, mais ma musique est tout ça à la fois. Là, je travaille aussi à mon nouvel album avec un peu plus de blues. J’essaie aussi de faire évoluer la musique autochtone. »
Elle nous dit accorder beaucoup de valeur au partage avec des artistes d’autres origines, et les différents instruments joués sur scène, comme le tama africain, l’illustrent bien. Niquay semble voir cet échange non pas comme une menace à la culture atikamekw, mais plutôt une richesse. « J’aime faire des résidences avec d’autres artistes qui viennent d’ailleurs. C’est comme ça que j’apprends moi aussi à explorer, à aller vers l’inconnu. »
Retrouver des mots d’autrefois
Il faut peu de temps pour comprendre que la langue atikamekw est évidemment quelque chose de très important pour Niquay, puisque les paroles de ses chansons sont toutes dans cette langue qui, bien qu’elle soit la langue autochtone la plus parlée au Canada, mérite tout de même d’être défendue.
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Pour l’artiste, qui habite maintenant depuis plusieurs années dans un milieu urbain, façonner des textes en atikamekw prend du travail, et elle ne le fait pas seule. « Je travaille avec des technolinguistiques atikamekw, j’ai deux personnes qui travaillent là-dedans, dont c’est le métier. J’essaie d’aller chercher les mots que nos grands-parents disaient, parce qu’il y a tellement de mots qu’on ne dit presque plus aujourd’hui en tant qu’Autochtones. Je me souviens très bien que ma grand-mère parlait comme ça, et je trouvais tellement ça beau. »
Une langue qui gagne en popularité
Ce désir de populariser la langue habite l’artiste, elle qui connaît très bien le pouvoir de la musique : « C’est aussi comme ça que les gens réapprennent à parler l’atikamekw, c’est grâce à la musique. »
Et la langue ne fait qu’acquérir de nouveaux locuteurs et de nouvelles locutrices : « C’est vraiment facile à apprendre, c’est une langue comme toutes les langues du monde. Je connais des professeurs qui sont venus enseigner dans ma communauté, dont un prof qui maintenant parle mieux l’atikamekw que moi, donc c’est vraiment cool! »
La loi de l’attraction
Paraît-il que Laura Niquay est née accompagnée d’une guitare. « J’ai grandi avec des musiciens du côté de ma mère et du côté de mon père. J’ai pas tout de suite senti que c’est ça que je voulais faire, quand j’étais jeune, mais à l’âge de onze ans, j’ai commencé à jouer de la guitare et j’ai jamais arrêté. »
La récipiendaire du Prix de l’auteure-compositeure autochtone TD de la Fondation SOCAN se souvient avoir eu comme idole Melissa Etheridge. « Je me vois en elle. Je suis pas habillée tout en cuir, mais c’est un rêve que j’ai tout le temps nourri, à quelque part. Nourrir la loi de l’attraction, c’est vraiment important, je l’explique souvent aux jeunes, ce que c’est, la loi de l’attraction, c’est de conquérir tes rêves, tout le temps, et de les nourrir. Il faut y croire. »
Marcher dans ses traces
Les jeunes autochtones regardent aujourd’hui Laura Niquay comme cette dernière admirait Etheridge. L’artiste accorde énormément de sérieux à son rôle dans les communautés autochtones qu’elle visite. Dans son spectacle au Festivoix, elle dira d’ailleurs : « Je me sens un peu seule comme artiste autochtone, mais je sais qu’il y en a derrière moi qui s’en viennent. » À voir la richesse et la diversité des nouvelles voix musicales des Premières nations et des Inuit, nous ne doutons pas que la relève suit ses traces.