Peut-on se baigner sécuritairement en Gaspésie ?

Alain Boudreau, Graffici, Gaspésie, Juillet 2022

 

La Gaspésie et la baignade en eau libre vont bien ensemble; des centaines de kilomètres de littoral, des baies invitantes, des rivières, des lacs, etc. Chacun a son endroit préféré, parfois son petit coin secret, qu’il partage avec amis et connaissances.

C’est dans la tradition gaspésienne de se baigner à la plage ou à la rivière ou sur un quelconque site riverain1 lorsque la chaleur estivale se fait sentir. Si l’on se fie aux prévisions des experts, les chaleurs extrêmes, une conséquence des changements climatiques, iront en augmentant dans les prochaines décennies. Comme quoi la tradition devrait se poursuivre, voire aller en augmentant.

Mais, qui dit baignade dit, malheureusement, risque d’accidents et de noyades. Au Québec, malgré la prévention, on en dénombre encore chaque année un trop grand nombre. En 2021, la Société de sauvetage a recensé au Québec 81 noyades (données non officielles) comparativement à 95 en 2020 pour toutes les activités aquatiques et non seulement pour la baignade. La baignade n’a pas fait de victime au cours de cette période en Gaspésie.

D’une part, il est impensable qu’en Gaspésie, on ne mette pas le pied à l’eau lors de canicules et d’autre part, il faut garder en tête que la baignade est une activité à risque. De surcroît, bien des sites gaspésiens sont situés dans un milieu océanique, un environnement que l’on ne doit pas sous-estimer, ce qui en rajoute une couche sur les dangers potentiels.

Dans un monde idéal, tous les endroits qui incitent à la baignade devraient être aménagés en conséquence et surveillés. La loi est claire. Un site promu pour la baignade doit respecter plusieurs normes dont l’aménagement d’une zone de baignade avec un poste de surveillance et des bouées, l’embauche d’un surveillant sauveteur, la disposition de règlements bien en vue et le contrôle de la qualité de l’eau de baignade.

Mais ça, c’est la théorie. Dans la réalité, il existe peu de sites riverains conformes à la loi en Gaspésie; on en compte que quatre actuellement! Les exploitants (municipalités, organismes, etc.) préfèrent se soustraire à la loi en indiquant « baignade interdite » ou « plage non surveillée » à l’entrée des sites qu’ils exploitent. La difficulté de recrutement de surveillants sauveteurs et les mauvaises expériences pour les résultats de contrôle de l’eau de baignade sont sans doute les principales raisons qui en ont fait abdiquer plusieurs. En conséquence, il ne faut pas se surprendre de voir autant de ces écriteaux de restrictions dans un grand nombre d’endroits invitants pour la baignade, même si ça peut paraître paradoxal dans une région touristique et balnéaire comme la nôtre.

Toutefois, l’exploitant d’un site riverain devrait prendre conscience que la pose d’un simple écriteau ne le déresponsabilise pas complètement, du moins pas sur le plan moral. Conséquemment, un exploitant responsable placera bien en vue, aux limites du site, à l’intention des usagers, un ensemble d’informations concernant les risques de dangers, les règlements locaux, les numéros en cas d’urgence et autres. À cet effet, le guide de l’Unité régionale loisir et sport Gaspésie-Îles-de-la Madeleine2 s’avère une très bonne référence à l’intention des exploitants. Et comme le dit ce guide, le but est de « prévenir les risques qui sont raisonnablement prévisibles et agir de façon prudente et diligente ».


Il existe peu de sites riverains conformes à la loi en Gaspésie; on en compte que quatre actuellement. Photo : Gilles Gagné

Alors, on se baigne ou on ne se baigne pas ?

Oui, on peut se baigner de façon sécuritaire en Gaspésie, mais pas n’importe où et pas n’importe comment. On l’entend souvent, la sécurité c’est une responsabilité partagée. Toutes les meilleures intentions des exploitants ne pourraient remplacer les bons comportements des baigneurs. N’oubliez jamais que la rivière, le lac, la mer et l’océan ne sont pas une piscine. Ce sont des milieux naturels qui peuvent être sournois. Et vous n’êtes pas seuls, vous devrez cohabiter avec plusieurs autres usagers qui s’adonnent eux aussi à différentes activités aquatiques.

Aux baigneurs : fréquentez des lieux publics aménagés et s’ils ne sont pas surveillés, assurez-vous qu’une signalisation adéquate s’y trouve. Portez votre veste de flottaison individuelle lors de vos activités nautiques. Idéalement, la baignade devrait se faire en groupe et au moins une personne devrait avoir un moyen de communication à sa portée. Aussi, suivre les recommandations indiquées par l’exploitant, prendre en compte les particularités du site et les conditions météorologiques.

Enfin, est-il nécessaire de le répéter, l’alcool et la baignade ne font pas un bon cocktail…

Aux parents : en plus de ce qui précède, inscrire vos enfants en bas âge à des cours de natation est certainement une bonne manière de les familiariser avec cet environnement parfois impressionnant et d’assurer leur sécurité. Voilà autant de conseils qui, s’ils sont mis en application, maximisent vos chances de pratiquer votre activité sans drame.

Quand tout va bien, tout va bien. Il suffit d’un incident malheureux, résultat d’un exploitant négligent ou d’un baigneur distrait ou un peu trop audacieux pour que tout bascule. N’attendons pas qu’un coroner fasse enquête et constate de graves lacunes dans la façon dont nous gérons nos sites riverains.

Que vous y alliez pour vous mettre l’orteil à l’eau, vous rafraîchir le corps, vous immerger partiellement ou complètement, profitez de nos sites riverains en toute sécurité et bonne baignade !