François Gohier, Ski-se-Dit, P.21, Val-David, janvier 2022, Je vous parle d’un temps
J’ai toujours aimé le ski de fond. J’avais cinq ans et on y allait en famille, les dimanches après-midi, sur de vieux skis de bois fabriqués jadis par mon grandpère, Alexis Gohier. Je me souviens d’une sortie en particulier, partant de derrière le domaine Byette : on était à la recherche du sentier Maple Leaf que mon père empruntait dans sa jeunesse. On y a effectivement trouvé ce jour-là quelques enseignes rouillées sur des arbres montrant une feuille d’érable, mais pas un sentier comme tel. La végétation avait repris sa place et nous devions travailler fort pour avancer! On appréciait grandement ces randonnées, des moments de pur bonheur, d’autant plus qu’elles se terminaient toujours par le traditionnel chocolat chaud. J’en ai gardé un souvenir intarissable… et le goût du chocolat chaud maison.
LA BOHÈME Durant la jeune vingtaine, on s’y est remis, mais avec des skis d’origine scandinave, cette fois, autrement plus performants que les planches de nos ancêtres! Et il y avait de la cire, même plusieurs fartages possibles pour toute une variété de conditions de neige et de température.
Ayoye! La sortie standard du temps : un Saint-Adolphe bien tassé, partant du chalet du camping à Sainte-Agathe, empruntant le sentier menant au lac Didi, au lac Pelletier, jusqu’à l’intersection Fleur-de-Lys/ Canadienne.
Au début des années 70, on pouvait prendre à droite à cet endroit et se rendre jusqu’au lac Saint-Joseph. Il ne restait qu’une courte marche pour rallier une auberge tenue par une dame volubile qui semblait connaître tout le monde. Toutes les histoires du village se racontaient au bar, fallait juste tendre l’oreille au-delà de la grosse O’Keefe sur la table (une ou deux selon le temps à attendre le lift pour le retour).
La Gillespie, du côté sud de Sainte-Agathe, était aussi assez standard dans notre répertoire. Celle qui se terminait par une descente hyper dangereuse en arrivant à Val-David près du mont Plante.
ÇA VOULAIT DIRE : ON EST HEUREUX!
Il nous arrivait de planifier des sorties plus costaudes, un peu plus mythiques, mettons! C’était plutôt téméraire de faire du hors-piste sans cellulaire dans des endroits peu familiers et difficiles comme la Western et la Lover’s Leap en direction de Morin-Heights. Mais c’était ça, le défi : se rendre à l’Auberge Hollandaise (appelée Suisse par la suite) située sur la route 364.
Selon les conditions de neige, ce pouvait être une journée très bien remplie, avec comme récompense la très longue descente de la fin. On l’a complétée à quelques occasions. Jusqu’au jour où, alors que nous sommes perdus dans la Western au-delà du lac Paquin, un bon samaritain est venu en motoneige nous indiquer le sentier à deux occasions durant le parcours, parce qu’il disait « craindre qu’on se perde au milieu de ces nouveaux développements ».
Il avait tout à fait raison. Ce fut notre dernier essai dans cette direction! ON ÉTAIT JEUNES, ON ÉTAIT FOUS… Dans un comité de travail (vers 1984), j’avais fait la rencontre de Rolland Doré, alors directeur de l’École polytechnique, et qui possédait un chalet à Mont-Tremblant. Il m’invite alors à une sortie du weekend en compagnie d’une douzaine de bons skieurs de fond.
Sans trop savoir dans quoi je m’embarque, j’accepte l’offre. Puis, je reçois un fax (!) détaillant ce qu’il fallait prévoir. Un sac à dos contenant entre autres : chandail, mitaines et tuque de rechange, liquides et bouffe. C’est que nous allions littéralement escalader le Mont-Tremblant par le côté nord (Johannsen), ensuite descendre parmi les skieurs du côté sud, puis revenir au point de départ en longeant la Diable.
La somme d’effort était telle pour la montée qu’il fallait se départir au sommet des vêtements mouillés pour des vêtements secs avant d’entreprendre la descente… une longue descente! J’ai compris d’un coup la consigne concernant les vêtements secs! Souvenir marquant : au retour au chalet de Rolland, il nous montre un appareil qu’il vient d’acheter dans un congrès en Californie : un « CD Player ». Il nous montre « le » CD (il n’en avait qu’un) et nous explique que ça fonctionne sans aiguille, par un rayon laser! Quand on pense qu’il n’y a même plus de lecteur CD dans ma nouvelle voiture, ça me fait réfléchir au temps qui passe