Le guitariste et luthier David Jacques dans Histoires de guitares à la salle de spectacle Saint-François-Xavier, de Prévost – photo : Michel Fortier

Merci, David Jacques

Carole Trempe, Journal des citoyens, Prévost, le 20 novembre 2021

 

Dans la série Les Grands Classiques, Diffusions Amal’Gamme proposait le 13 novembre 2021 le guitariste et luthier David Jacques dans Histoires de guitares à la salle de spectacle Saint-François-Xavier, de Prévost.

 

L’homme qui raconte ses guitares

Un fabuleux conteur et un grand musicien qui nous a fait voyager à travers les cinq derniers siècles par l’histoire des guitares. Un projet qui sort de l’ordinaire, novateur. D’abord, il met en vedette l’instrument et ensuite l’extraordinaire artiste au service de la musique. Tout prend son véritable sens. Nous étions conviés chez les guitares par l’homme qui les raconte avec passion et respect cumulés à l’immense sensibilité de son jeu musical. Frissons garantis tout au long de ce concert.

Elles étaient là, posées sur la scène devant l’auditoire. Impression-nantes, face au public, chacune des guitares portant les traits de la personnalité façonnée par les plus grands luthiers d’Europe dont les rigoureuses compétences de fabrication ont pu en assurer la pérennité. Des guitares équivalentes à des violons Stradivarius. Une fascinante collection des plus anciennes guitares au monde jouant encore en concert, les autres membres de leur précieuse communauté reposant désormais dans les musées du monde entier.

 

Le parcours des guitares jusqu’à lui

Pour votre bénéfice, permettez-moi de vous décrire brièvement chacune des artistes invitées. Le concert débute par la présentation de trois pièces écossaises tirées du manuscrit personnel d’Anne d’Angleterre, avec une guitare conçue en 1776 par Pracht, un artisan venu de Strasbourg qui ne savait pas lire. S’ensuit la lyre-guitare à six cours simples avec un manche situé entre les deux bras incurvés fabriqués par Henri Lejeune en 1806 à Paris. David interprète une pièce écossaise d’une grande douceur mélodieuse composée par l’italien Mauro Giuliani. Nous rencontrons une guitare fabriquée par le luthier français le plus populaire en 1835, René Lacôte et nous apprenons qu’elle a été découverte dans un grenier en Corse, toute neuve et oubliée dans un étui en bois. David est celui qui a joué dessus pour la première fois. Fabriquée dans du bois de citronnier, elle a un son rond savoureux à entendre. La guitare de Napoléon est sur la scène, elle a sept cordes et un corps plus gros. Une guitare à six cordes décorée de carapaces de tortues et fabriquée par Gennaro Fabricatore en 1819 en Italie nous propose deux pièces sensiblement interprétées et dont l’une est dédiée affectueusement à l’épouse de David. La plus ancienne des protagonistes fait son entrée : une Alexandre Voboam fabriquée à Paris en 1660. Voboam était le luthier du Roi Louis XIV qui, dit-on, aimait s’endormir au son de cette guitare. Elle a été analysée au point de savoir que le bois avec lequel elle a été conçue est issu d’un arbre planté en 1522 et qui a offert sa vie à ce joyau en 1657.

Il existe cinq théorbes (1798) (quatre cordes externes) sur la planète et une seule ne se retrouve pas dans un musée. Elle était chez nous à Prévost ! Et devinez qui joue une aria et une gigue de 1780. Agréable son de luth, David nous raconte qu’il a accompagné Gilles Vigneault avec cet instrument pour l’enregistrement de son dernier album Romance d’hiver (2021). S’ensuit une petite incursion à Vienne (1840) pour nous faire connaître une innovation sur la guitare dont la mécanique change pour recevoir toutes les têtes du même côté de l’instrument. Nous entendons deux danses hongroises colorées et festives. Un luthier Italien immigré à Londres a fabriqué une guitare de style espagnol qui possède un son fort bien rond et très romantique, Louis Panormo 1832. Enfin, l’époque moderne avec le très connu Antonio de Torres (1860 S.E Seconde Époque), puis Vinciente Arias (Real, 1886,) un talentueux charpentier éprouvé par la vie offrira en cadeau à une jeune femme qui aura pris soin de ses enfants une guitare de petite taille fabriquée par lui, sur mesure, pour elle. De nos jours, il en existe une centaine. Quelle sonorité !

 

Un artiste au rayonnement international

Que dire de cet artiste pédagogue québécois titulaire d’un doctorat en interprétation de la musique ancienne (D. Mus. guitares et luth) de l’Université de Montréal. David est très actif ici au Québec et à l’étranger. Il a donné plus de 4000 concerts dans plus de 40 pays, sur cinq continents. Il a été invité par plusieurs orchestres. Il enseigne à l’Université Laval. Il évolue dans un univers où les experts sont rares. David Jacques est un solide ambassadeur pour le Québec. Un artiste au rayonnement international dont nous pouvons être très fiers. Très sympathique communicateur et habile conteur, il nous livre sa passion et ses incommensurables connaissances avec humilité et talent. C’est l’apanage des Grands. Nous avons voyagé à travers les siècles au gré de cette belle musique aux sonorités bien distinctes et riches.

Merci, David Jacques, grâce à vous, nous avons transcendé le temps.