Un gros-bec errant femelle. Photo : France Ricard

Le gros-bec errant, un passereau costaud

Yves Cordeau et France Ricard, Le p’tit journal de Woburn, novembre-décembre 2021

Le gros-bec errant est un passereau dodu et vigoureux, de la grosseur d’un merle d’Amérique. Il réside en permanence au Québec. On le retrouve chez nous aussi bien en été qu’en hiver. Le mâle a le corps jaune, la tête plutôt brunâtre, le sourcil jaune vif et les ailes noire et blanche. Son bec, ivoire en hiver, est vert pâle en été. La femelle est plutôt chamois-grisâtre avec la nuque jaune et les ailes noire et blanche.

Le gros-bec errant préfère les forêts denses de conifères. Cependant, il s’est adapté aux forêts aux essences variées, aux parcs, aux campagnes et peut être aperçu dans les banlieues. Durant l’hiver, ils vivent en bandes, sont querelleurs et très bruyants. Ils font preuve de discrétion en été, probablement à cause de leurs responsabilités familiales.

Le gros-bec errant tient son nom du fait de ses déplacements migratoires irréguliers. Il n’établit jamais de territoire précis. Il semble que ses déplacements soient dictés essentiellement par la recherche de nourriture.

Il porte aussi très bien son nom de gros-bec en raison de son bec conique vraiment massif et extrêmement puissant. Ces caractéristiques lui permettent de broyer les noyaux de certains fruits pour récupérer la précieuse graine cachée à l’intérieur. En hiver, son bec revêt la couleur de l’os, puis change radicalement de pigmentation au début du printemps. Il emprunte alors le même vert que les bourgeons, les jeunes feuilles ou les aiguilles, au milieu desquelles l’oiseau construira son nid quelques semaines plus tard. Son bec se confondra alors avec son environnement.

Le vol du gros-bec errant est ondulant. L’oiseau lance souvent des appels en vol. Bruyant, il possède un vaste répertoire d’appels et de cris. L’appel le plus typique est un tchîp. Chaque individu l’utilise pour affirmer son rang dans la bande pendant le vol. Qu’il soit isolé ou perché avec des congénères, le gros-bec lance le même cri, apparemment pour avertir de sa présence tous ceux à portée de voix. Il emploie un large assortiment de sons pour exprimer la peur, la surprise, la colère, la douleur, l’inquiétude ou la curiosité, ou encore pour lancer un cri d’alarme. On peut entendre la plupart de ces sons en écoutant attentivement pendant quelques minutes une bande de gros-becs assiégeant une mangeoire.

Ce costaud s’alimente de façon très diversifiée. Il mange aussi bien les insectes que les graines. Il reste probablement un des meilleurs baromètres pour détecter la présence de la tordeuse des bourgeons de l’épinette. Une grande concentration de gros-becs dans une forêt de conifères signifie que les arbres sont infestés de tordeuses. Il peut en attraper un millier par jour. En raison de son appétit pour ce ravageur, le gros-bec errant compte parmi les plus utiles de nos oiseaux.

Ce gros passereau mange les graines des cônes d’épinette, de sapin baumier et de pin. Il apprécie également les graines et les fruits de nombreux arbres feuillus et arbrisseaux, notamment les samares de l’érable. D’ailleurs, toutes les sortes de graines lui conviennent, y compris celles des mauvaises herbes. Des bandes entières se nourrissent dans les houx verticillés (aulnes blancs), les buissons d’aubépine et les frênes, ainsi que dans les pommiers qui conservent des pommes gelées pendant l’hiver. Par contre, il délaisse la chair des fruits et extrait à coups de bec les graines de la pulpe.

Le gros-bec fait la joie des amateurs d’oiseaux qui peuvent l’observer à loisir lorsqu’il visite les mangeoires et les jardins. Son aliment préféré reste la graine de tournesol. Un seul individu peut avaler une centaine de graines en cinq minutes, surtout si elles sont disposées sur un plateau d’alimentation.

Curieusement le gros-bec errant peut engloutir des quantités étonnantes de sel brut. Il raffole également de gravier fin et de terre imprégnés de sel. Son goût marqué pour le gravier salé répandu le long des autoroutes peut parfois provoquer des accidents et entraîner la mort de nombreux individus de l’espèce.

Au printemps, les mâles exécutent leurs parades nuptiales. Les plumes de la tête relevées, les ailes pendantes, ils glissent sur les branches pour impressionner les femelles. Après l’accouplement, la femelle fabrique le nid pratiquement seule. À l’occasion, le mâle lui apporte quelques brindilles.

La femelle pond trois ou quatre œufs verdâtres, tachetés de brun ou vert olive.
Elle les tient bien au chaud pendant 14 jours. Le mâle reste à proximité du nid pour monter la garde. Après l’éclosion, le mâle et la femelle nourrissent les petits qui quittent le nid une quinzaine de jours plus tard. Les oisillons dépendent des parents jusqu’à l’automne.

Ces oiseaux colorés, grégaires et intenses sont malheureusement en perte d’effectifs.