Antoine-Michel LeDoux, Le Sentier, Saint-Hippolyte, septembre 2021
Le cimetière de la paroisse de Saint-Hippolyte, lieu habituellement peu fréquenté, est devenu cet été un rendez-vous très couru. C’est que l’artiste-restaurateur, Yves Lusignan, en a fait un immense atelier à ciel ouvert.
Presque tous les jours, visiteurs petits et grands, y reviennent pour assister à la transformation des quatorze monuments du Calvaire. Monuments offerts aux familles comme stèles mortuaires en 1970 au moment du réaménagement du cimetière. Restaurés partiellement en 1990 en y peignant les scènes en rouge, ils avaient bien besoin que l’on s’occupe d’eux, aux dires de plusieurs visiteurs.
Faire parler les monuments
L’un de ceux-ci affirme volontiers qu’Yves Lusignan a redonné une âme à ces monuments en les faisant parler. « C’est un beau compliment!, affirme ce dernier avec émotion. Je suis heureux de voir que les gens s’arrêtent devant mon travail, me questionnent et partagent leurs impressions avec moi. Certains me confient même avec émotion des moments de vie avec les êtres aimés, inhumés sous ces stèles. Cela me touche. Mais, il y a chez eux plus que de la curiosité à découvrir les personnages et les scènes illustrés sur ces monuments. Pour les plus âgés, remontent en eux des moments de leur enfance. Ce récit de la Passion du Christ tenait une place très solennelle dans la vie liturgique. Dans plusieurs familles, il était vécu dans une atmosphère de privations, de mortifications et de sacrifices, à l’exemple des souffrances de Jésus. Cela marque un enfant ! »
J’apprends, moi aussi
« Vous savez, je ne connaissais pas ce récit! avoue humblement cet artiste humanitaire, élevé de famille d’accueil en famille d’accueil. Je le découvre sous leurs mots, leurs émotions, leurs souvenirs. Cela me touche et m’encourage à m’informer, à chercher. Leurs partages m’aident à interpréter mon choix de couleur et de traits d’expression que je donne aux personnages. Pour moi, le noir et le brun illustrent la texture des lainages des vêtements de cette époque, le vert, la bonté exprimée de certains, le bleu, l’amour et la douceur qu’ils dégagent, la dorure, leur importance, leur sainteté ! »
Don du ciel
Pour Gilles Ducharme, un des administrateurs de la Fabrique paroissiale, la venue inattendue d’Yves Lusignan est un don du Ciel. Il n’en revient pas comment la Providence place des personnes riches en connaissances et en habileté sur le chemin des restaurations entrepris sur les bâtiments de la communauté paroissiale. « En croisant au printemps dernier, Yves Lusignan au cimetière, je ne me doutais pas de tout ce qu’il allait apporter à la paroisse. Ce dernier, généreux de son temps, de son écoute et de sa patience auprès des visiteurs plus nombreux maintenant au cimetière, il fait des miracles dans la restauration de ces monuments vieillissants. Il leur redonne une âme et il enrichit notre jardin de mémoire patrimonial hippolytois. »
Témoigner une ouverture sur le monde
Plus d’un visiteur s’arrête, étonné devant le monument V qui illustre le passage de ce récit où Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix. Il constate que Simon de Cyrène est peint de façon à marquer sa possible origine africaine. « Les plus informés partagent mon choix, souligne Yves Lusignan, associant la ville de Cyrène (région actuelle de la Lybie) au continent africain. Ils l’approuvent, mais avouent qu’ils le trouvent audacieux et inhabituel. D’autres sont déconcertés et m’interpellent. Je les informe et échange avec eux. »
Ouverture sur le monde
« En ayant fait ce choix, je réalise que l’on peut aujourd’hui l’associer à un mouvement d’ouverture sur le monde. Gilles Ducharme, avec qui je discute beaucoup, me dit que l’essence de cette scène de l’évangile indique que chacun « doit porter sa croix et aider l’autre à porter la sienne ». Il est d’accord pour que cet « autre » puisse être un étranger, un migrant. Pour des enfants accompagnés de grands-parents, il va de soi que « tous ont leur place, peu importent leur origine et leur couleur! »
La pierre des oubliés au cimetière de Saint-Hippolyte
Yves Lusignan, artiste-restaurateur est en pleine création au cimetière. Tel un Michel-Ange dans la chapelle Sixtine au Vatican ou plus près de nous, Lucien Édouard Duvauchel, qui dans les années 1944 à 1948 a peint les fresques sur les murs de l’église paroissiale de Saint-Hippolyte, Yves Lusignan crée une œuvre sur un immense rocher exhumé du cimetière.
« Tout de suite devant ce rocher, j’ai vu dans ses aspérités ce message : Oubliés, mal-aimés, sans papier, migrants et étrangers, nous sommes frères et sœurs à la recherche de la lumière-vérité et espérance. Voilà ce qu’illustre le cœur dessiné d’où jaillit comme un filet d’eau d’or « la lumière, la pureté, la vérité à laquelle tous peuvent s’abreuver et espérer ».
15e station : L’espérance de la Résurrection
Lorsqu’Yves Lusignan travaille sur son œuvre, beaucoup s’y approchent et échangent. « Je reçois des messages intéressants qui m’encouragent à réfléchir et à poursuivre mes recherches. Je veux que la façon dont je vais réaliser cette œuvre invite à l’espérance. C’est un mouvement très présent actuellement dans plusieurs communautés religieuses européennes, sensibilisées à la misère des migrants. Je veux que la communauté religieuse de Saint-Hippolyte y soit partie prenante.
Source : 15e station : L’espérance de la Résurrection.