Amina Chaffaï, Le Stéphanois, Saint-Étienne-des-Grès, mai 2021
Petite, je l’attendais fébrilement. Je m’y préparais à ce dimanche pas comme les autres. Je comptais les dodos comme à Noël. Je me souviens que j’étais tellement excitée que je ne dormais pas très bien la veille de la fête des Mères. Les jours précédents, mon père nous aidait, mes frères et moi, à faire une belle carte pleine de mots d’amour et à fabriquer un bricolage, souvent inutile et encombrant, pour ma mère. Lui-même se creusait la tête pour faire un cadeau à son épouse et à ses sœurs. Il n’avait pas eu le bonheur de vivre avec une maman, elle est morte en couches en le mettant au monde. Il lui a survécu et ce sont ses sœurs et son père qui l’ont élevé; sept grandes sœurs aimantes et bienveillantes. C’est peut-être pour ça que cette fête était si importante dans notre famille, mon père y mettait tout son cœur. Un cœur plein d’amour pour une maman qu’il n’a pas pu connaître et dont il n’a jamais senti la caresse ou l’étreinte.
Dans quelques jours, nous serons rendus à cette fête pour rendre hommage aux mères. Ces femmes qui ont porté, celles qui ont supporté et celles qui ont accompagné des enfants. Quelle allure aura cette journée? J’ai bien l’impression que, pour une deuxième année, nous serons soumis à des contraintes sanitaires qui ne favoriseront pas les rassemblements familiaux. Bien qu’on comprenne les bons gestes pour se protéger et qu’on conçoive que les rassemblements favorisent la propagation du Covid-19, avouez que distanciation et maman, c’est totalement incohérent, absolument illogique, et vraiment inhumain.
Quand on pense à notre mère, on pense aux câlins, la présence, la confiance, la sécurité. On se voit autour d’une table chaleureuse, on pense aux visites fortuites juste pour faire un petit coucou, demander un conseil ou faire une confidence. On rêve aux journées de magasinage, aux soirées à jaser, à jouer aux cartes ou à regarder des photos de famille. Cette année, dès qu’on pense proximité, il faut penser à la couleur de sa zone, à son groupe, à sa bulle, sa région et ses alentours. Il faut considérer les mamans isolées, celles qui sont vaccinées, les confinées et les immunosupprimées. Cette gymnastique n’est pas simple ni naturelle, mais elle est nécessaire pour protéger notre mère, la personne qu’on aime le plus et qui nous le rend tout autant.
Maman; un mot qui évoque toute la douceur du monde et la fête des mères; la journée où la tendresse, l’amour et les souvenirs seront toujours au rendez-vous peu importe la distance et les contraintes. Je peux en témoigner, un océan me sépare de la mienne depuis bien des années. Cela n’altère en rien notre affection, notre complicité ou notre amour. C’est juste fêter différemment. Bonne fête à toutes les mamans du monde.