Guy Paquin, Le Saint-Armand, Armandie, décembre 2020
On en sait encore relativement peu sur la transmission de la COVID. Mais une chose est sûre : elle a dépeuplé les bureaux, foyers potentiels de contagion et elle a envoyé travailler chez eux des millions de Canadiens. D’ordinaire il y a 2 millions de personnes au Canada qui travaillent à la maison, surtout des travailleurs autonomes. En septembre 2020, nous étions 4,2 millions à le faire.
« La pandémie a agi d’abord comme révélateur en montrant aux travailleurs et aux patrons qu’on peut aussi bien travailler à la maison qu’au bureau, souligne Robert Gagné, professeur à l’École des hautes études commerciales de Montréal (HEC). Ensuite elle agit comme accélérateur. Beaucoup d’entreprises vont réaliser plus rapidement leur passage au télétravail suite à cette expérience forcée. »
Toujours selon Statistiques Canada, 40 % des Canadiens ou des Québécois sur le marché du travail ont le type d’emploi, c’est-à-dire dans le secteur des services, qui peut tout aussi bien se faire à domicile si on leur fournit les outils requis. Les deux-tiers ont des diplômes universitaires.
Adieu la ville !
Pour Robert Gagné, un corollaire de cette tendance c’est que les travailleurs à distance vont chercher un milieu de vie et de travail où il est possible de concilier le cadre familial et celui des obligations professionnelles à moindre coût. « Pour l’entreprise, que vous travailliez de Montréal ou de Saint-Armand, c’est kif-kif. Pour l’employé, il y a des économies énormes à faire en habitant en milieu rural. »
À condition que l’accès à distance aux dossiers soit le même et que la capacité de transmission sur Internet soit aussi forte. « Ici, il est clair que le Québec est très en retard quant à l’accès aux services Internet haute vitesse en milieu rural, juge le professeur des HEC. On a réalisé la nécessité d’investir là-dedans mais avec une lenteur déplorable. On n’a pas favorisé l’établissement de plusieurs concurrents pour laisser un choix intéressant au consommateur. On doit rétablir la loi de la concurrence, centrale dans une économie comme la nôtre. »
Y en aura pas de facile, du moins au début
Luc Marcoux, un orthopédiste, travaille pour la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ). Il fait partie de ces gens qui se sont fait montrer la porte le 15 mars dernier. « On ne pouvait pas continuer à travailler sans risque à la Tour de la Bourse. Juste prendre l’ascenseur pour monter au bureau représentait un risque énorme de contagion. »
Le docteur Marcoux ne passe pas ses journées à examiner des patients mais à évaluer leurs dossiers. « Quand j’ai pris connaissance des rapports médicaux, je conseille la SAAQ sur ce qu’il convient de faire dans chaque cas. » Ça peut donc se faire à la maison sans problème, du moins en principe.
Ce n’est malheureusement pas toujours le cas ! « Moi, quand j’ai commencé le télétravail en mars, explique Luc Marcoux, j’avais les outils de base pour fonctionner. Mais les collègues qui ne l’avaient pas se sont fait passer du matériel de la Société et ils étaient souvent incapables de se brancher, du moins au début. Quant à moi, en avril, mon accès aux dossiers plantait aux 10 minutes. » GRRR !
En juillet, la SAAQ fournit le matériel adéquat et depuis, la productivité des spécialistes comme Luc Marcoux a rejoint celle du bon vieux temps du bureau. « Notre patronne nous a dit qu’on réglait autant de dossiers qu’en temps normal et sans délai supplémentaire. Soulagement ! »
La SAAQ a fourni un encadrement professionnel dès le départ. « On nous a expliqué comment se brancher, comment sécuriser les dossiers quant à l’aspect confidentialité, on nous a fourni des lignes de dépannage et beaucoup d’encouragement. Ils ont fait du super bon travail ! »
La Société qui devait déménager vers la Tour Loto Québec (500, rue Sherbrooke Ouest) songe maintenant à un plan télétravail qui nécessiterait beaucoup moins d’espaces bureaux. On a sondé les employés et le niveau de satisfaction est actuellement très élevé.
« Ça ne va pas remplacer les contacts humains, mais on a la preuve que la présence quotidienne au bureau n’est pas essentielle, conclut le docteur Marcoux. »
« J’ai fait de grosses économies d’essence, s’exclame Guertin Tremblay, prof de géographie au cégep Marie-Victorin de Montréal-Nord et Armandois depuis quelques années. À la fin mars, j’ai commencé à enseigner de chez-moi et la première constatation, c’est que je faisais d’énormes économies en frais de transport.
« J’ai une autre chance, c’est de vivre dans un milieu exceptionnel. J’ai un grand bureau à la maison où je peux travailler sans être dérangé. Le cégep nous a fourni des outils informatiques pour pallier les sessions de travail avec les collègues et créer des classes virtuelles. Nous utilisons Microsoft Teams. »
Ce logiciel est intégré dans la suite Office 365. Elle permet de tenir des réunions ou des classes virtuelles en temps réel, pour des dizaines voire des centaines de personnes. Elle est dotée de fonctionnalités comme la visioconférence, l’échange de dossiers en temps réel et la prise de notes sur OneNote.
On verra dans notre article sur la rentrée scolaire que la magie du virtuel ne règle pas tous les problèmes, loin de là. En gros, la présence physique des autres, l’absence physique rassurante du prof et l’accès direct à ses conseils manquent douloureusement aux étudiants.
Et puis, n’en déplaise à Bill Gates, ni Skype ni Teams ne valent une session de « mémérage » avec les collègues à côté de la machine à café ou de la photocopieuse. « Ça et l’heure du lunch avec la gang, déplore Luc Marcoux. On se voit sur l’écran et on se rend compte que, par besoin de contact, beaucoup ont maintenant un animal de compagnie pour compenser le manque de présence humaine. »
« C’est vrai, confirme Guertin Tremblay ! Ne le dites à personne, mais il s’organise même des pause-café en ligne ! » Chassez le naturel, n’est-ce pas…