Baptiste Delas, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, novembre 2020
Je m’appelle Baptiste et j’ai 22 ans. Je suis né un peu avant les années 2000, à l’aube d’un siècle particulier. Si je devais résumer ce que je suis, je dirais que je suis avant tout un jeune de la génération climat. Je suis un jeune d’une génération qui a grandi avec les images télévisées de Fukushima, de la marée noire de 2010, de Lac-Mégantic. Je suis un jeune de la génération qui, enfant, a entendu parler de la banquise qui fond et des abeilles qui meurent, et, qui une fois, jeune adulte, a dû se confronter aux termes d’emballement climatique et de crise écologique. La génération climat qui est-elle au fait ? C’est la première génération à subir gravement les effets du changement climatique. C’est aussi la dernière à pouvoir y faire quelque chose.
Comme beaucoup de jeunes de la génération climat, j’ai eu peur. Peur de cette catastrophe dont on me parle depuis que je suis enfant et que je vois se concrétiser un peu plus, chaque année. Peur de cet immense défi collectif que notre génération devra relever, comme un lourd fardeau que les générations précédentes déposent dans nos bras. Puis cette peur est devenue un moteur d’action. Rester inactif, quelque part, c’était rester indifférent à son sort. C’était céder à la fatalité.
Comme beaucoup de jeunes de la génération climat, j’ai tenté de faire ma part, ma minuscule contribution à cette immense tâche qui est celle de sauver la planète. Nous étions des millions dans le monde à changer nos modes de vie afin de faire baisser notre bilan carbone. Au Québec, plus qu’ailleurs, la sensibilité environnementale a gagné le cœur de milliers de personnes, dont les plus jeunes. Cela s’est vérifié le 27 septembre 2019, lorsqu’à Montréal 500 000 personnes marchaient dans les rues à l’appel des mouvements étudiants québécois. La plus grande marche sur le climat qu’il y ait eu dans le monde ce jour-là se déroulait chez nous.
Mais dans ce même pays, certains ne cernaient pas l’urgence de la situation. Ici même, naissait silencieusement un projet industriel qui se cachait derrière un innocent sigle à 3 lettres : GNL. Il s’agissait d’un projet que des promoteurs souhaitaient voir naître au Québec : 780 kilomètres de pipelines (du nom de Gazoduq) seraient construits pour transporter du gaz naturel issu de la fracturation hydraulique. Traversant le Québec, il aurait comme passage clé un complexe industriel installé au Saguenay (du nom d’Énergie Saguenay). Des super-méthaniers transporteraient ce gaz liquéfié pour l’exporter, en se frayant un chemin à travers le Fjord et le Saint-Laurent. Le projet de 14 milliards de dollars dissimulait surtout un bilan annuel de 50 mégatonnes de Gaz à effet de serre. Et donc, 10 millions de voitures sur nos routes en plus, chaque année.
J’ai pensé alors aux efforts que des milliers de personnes faisaient ici au Québec pour réduire leur bilan carbone et faire progresser notre société vers un modèle plus viable. Tout ce qui était mené par ces milliers de Québécoises et Québécois serait réduit à néant par l’arrivée d’un projet de gaz naturel liquéfié. Planter des arbres, apprendre le compost avec ses enfants, bannir le plastique de sa maison : quel est le but quand verrait le jour un projet industriel qui émet considérablement plus de GES que nous pourrions économiser par nos actions ?
Et quel message derrière cela ? Comment ne pas y voir une indifférence au sort de la génération climat ? D’une certaine façon, faire la promotion de ce projet industriel en toute connaissance de son effet néfaste massif sur la hausse des GES, c’est dire à notre génération : « Votre avenir et celui de vos enfants passeront après quelques bénéfices à faire. »
Le mouvement qui se lève contre GNL est porté par toutes les classes sociales et tous les âges. La semaine passée, plus de 3 000 mémoires de citoyens et collectifs ont été envoyés au bureau des audiences publiques (BAPE), qui étudie la viabilité d’Énergie Saguenay (la partie du projet qui concerne le complexe au port du Saguenay)1. Les Québécois-e-s sont concerné-e-s et le montrent. Et la génération climat est plus que jamais en première ligne : les étudiants manifestent, font connaître le projet. Ils ont créé un site internet, Arrêtons GNL2, qui synthétise l’information sur GNL Québec.
GNL Québec, d’ailleurs, n’existe pas. Du moins pas encore. Il s’agit d’une chimère, d’un projet qui n’a pas vu le jour et n’est porté que par les paroles et les promesses de quelques promoteurs et investisseurs. Mais la menace est réelle, car le projet a des chances d’exister. C’est au gouvernement du Québec de rendre son verdict à la fin des consultations publiques. C’est à lui que reviendra la décision définitive: celle d’aider la génération climat du Québec, ou de participer à alourdir son fardeau.
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