La faune n’est pas inépuisable

Marc-André Morin, Le Journal des citoyens, le 18 octobre 2020

La gestion de la faune au Québec est une histoire pas trop brillante, parsemée de catastrophes. On a toujours procédé avec la faune comme avec les autres ressources, comme si la nature était inépuisable.

La Gaspésie avait une population de caribou très viable et en santé. Lorsqu’il n’en resta plus que quelques centaines, réfugiés sur les hauts sommets, le gouvernement a interdit la chasse. Malgré cela, certains locaux ont continué de les chasser jusqu’au point où il n’en restait plus qu’une trentaine.

Quelques décennies plus tard, on en est toujours au même point. Sauf qu’on questionne maintenant la destruction d’habitat par la déforestation et les chemins forestiers qui ouvrent la voie aux prédateurs.

Je fréquente le territoire des Hautes-Laurentides depuis les années soixante-dix. Au début, lorsqu’on montait à Clova ou à Parent, dans les trois heures de route il n’était pas rare de voir deux ou trois orignaux traversant le chemin. Je n’en ai pas vu un seul depuis quatre ou cinq ans. Allez sur Google Earth et regardez les parterres de coupes et les chemins forestiers autour du réservoir Gouin, vous comprendrez vite que les pauvres bêtes n’ont plus de forêts ou s’abriter. Les coupes à blanc et les chemins forestiers où les prédateurs les voient et les sentent à des kilomètres sont devenus mortels. Le petit beigne de forêt laissé autour des lacs où se cachent les chasseurs n’est pas une option qui assure la survie de l’espèce.

Le mythe du braconnier autochtone ne tient pas le chemin une seconde. Ils sont une population minuscule dans un territoire immense. Ils ne chassent que pour se nourrir autour de leur village et de leurs camps saisonniers dont ils se servent pour la pêche et la cueillette. À mon humble avis, l’orignal est sur la même pente que les caribous de la Gaspésie et les sept caribous de Val-d’Or que Couillard était prêt à sacrifier pour quelques jobs. Pour les chasseurs sportifs, ce sera la perte d’une activité bien agréable ancrée dans nos mœurs. Pour les Algonquins, ce sera la perte d’un élément vital de leur mode de vie qui fait partie de leur identité et de leur survie en temps que peuple.

Lorsque le gouvernement du Québec a vendu le mont Tremblant à Ryan pour en faire un centre de ski, la police provinciale de Duplesssis est arrivée à la maison de la famille Commandant, les derniers Weskarini des Laurentides, qui habitaient là où est le stationnement du centre de ski aujourd’hui. On les transporta sur la réserve à Maniwaki. Le fils cadet Bill, que j’ai connu, a échappé à la rafle. Il était sur sa ligne de trappe au lac Cyprès. À la création du Parc, il était toujours là. Ils l’ont sûrement gardé comme attraction touristique. Sa cabane en bois rond n’est plus là comme dans mon enfance, mais l’affiche dit toujours « plage chez Bill ». Un bien mince souvenir.