Grande famille Sylvain réunie lors du mariaged’Armandine Sylvain et de Josaphat Clément, lac de l’Achigan, 7 octobre 1939.

Qu’auraient fait nos grands-mères hippolytoises ?

Antoine-Michel LeDoux, Le Sentier, Saint-Hippolyte, avril 2020

La  pandémie  actuelle  de  la  COVID-19  nous  alarme  tous! Cette situation subite, inattendue et surtout inhabituelle dans nos sociétés américaines, contemporaines et aseptisées, nous interpelle avec raison. Pourtant, bien avant l’apport de la médecine actuelle, nos ancêtres hippolytois savaient composer avec ces « ennemis microscopiques invisibles ».

 

Mortalité infantile

Enfants et personnes âgées étaient fréquemment touchés par des dysenteries, fièvres charbonneuses, gales, typhus, diarrhées, goitres, rubéoles et coqueluches. Les risques étaient présents  partout !  L’insidieuse  variole  appelée  petite  vérole  faisait  régulièrement des ravages. Cette infection n’a-t-elle pas décimé la moitié de la population des Premières Nations, à l’arrivée des Européens en Amérique ? Cette même infection a fait en 1885, à Montréal, 5864 morts et laissé 13 000 personnes défigurées.

 

Chez les familles hippolytoises

À elles seules, les infections représentaient plus de la moitié des  mortalités  infantiles  (0  à  4  ans)  dans  la  population  canadienne-française.1 Les exemples de ravages ne manquent pas dans les familles hippolytoises. Celle de la famille d’Azilda Sigouin (1868-1905), conjointe d’Octave Sylvain (1877-1925) où seulement six enfants survivront à 15 grossesses. Tout comme celle de Jules Lamoureux (1855-1929) et sa conjointe Alzire Clément(1862-1937)  où  ne  survécurent  que  huit  enfants  des  20  grossesses.  Triste  bilan  lorsqu’on  feuillette  le    registre hippolytois des baptêmes et mortalités.2 Facilement, on en trouve aussi dans les  familles  Labelle,  Gohier,  Dagenais,    Thibault,  Beauchamp,  Lachance,  Goyer,    Sigouin,  St-Onge,  Ward,  Hamilton  et  tant d’autres. Bien chanceuses les familles où de jeunes enfants ne mouraient pas!

 

Remèdes de grand-mères  hippolytoises

Quelques  personnes  dans  ces  petites communautés de rang étaient détentrices de pratiques et de concoctions pour composer avec ces épidémies. Certaines connaissaient  le  secret  des  plantes,  héritage  des pratiques  anciennes  européennes  et  de celles des Premières Nations et les faisaient pousser  dans  leur  potager.  Bouillie  sucrée d’écorce d’aulne, de mélèze ou de graines de lin, concoctions d’ortie, de mélisse, de valériane, de plantain, de millepertuis étaient les antibiotiques  populaires  d’autrefois  tout comme l’urine de jument enceinte.

Et que dire des pratiques ? Charles Charron, ancien conseiller municipal et grand spécialiste de la faune et de la flore, se rappelle de l’indispensable plumeau d’oie ou de canard, suspendu au mur derrière le poêle à bois qui, trempé dans un peu de kérosène de la lampe à l’huile, servait à guérir enflures, éraflures et coupures. Alphonse Sylvain et Lise Morin, sa conjointe, parlent du fameux bas de laine, de préférence rouge, autour du cou, et l’hiver, du carré de camphre odorant sous l’oreiller ou suspendu au  vêtement.  Porté  par  plusieurs  membres  d’une  famille,  il aseptisait l’environnement de la maison tout comme celui de l’école de rang! « En entrant dans une maison, on sentait tout de suite par l’odeur de plantes aseptiques bouillies si quelqu’un était malade », se rappelle Serge Sigouin, pensant aux maisons de ses parents et grands-parents Lachance. Et, selon une certaine madame D.G.L. qui doit rester anonyme pour le maintien de son don reçu, celui de pouvoir arrêter, sang et douleur d’une brûlure par une évocation religieuse!

 

Pandémies présentes  depuis longtemps dans lemonde3

On oublie vite ! Pourtant, un simple regard  dans  le  passé  de  l’humanité nous  apporte  tellement  d’exemples d’épidémies  vaincues.  Dès  la  préhistoire, nos ancêtres côtoyant d’autres mammifères ont dû composer avec la tuberculose (encore 1,8 million de victimes en 2015) et différents types de pestes : galénique, bubonique et noire dont  certaines  ont  fait  des  millions de  morts  sur  toute  la  planète.  Tout comme  le  choléra,  la  variole,  les grippes  espagnole  et  asiatique  qui ont décimé des populations, malgré la découverte  de  l’inoculation  (Jenner,1789)  et  de  la  vaccination  (Pasteur,1880). Il n’y a pas si longtemps, la maladie de la vache folle (1990), le SRAS(2003) et encore aujourd’hui, le VIH a fait 36 millions de morts depuis 1970. Actuellement, nous combattons la COVID-19 contre laquelle nous n’avons pas encore de vaccin reconnu.

 

COVID-19, première épidémie du 3e millénaire, mais sûrement pas la dernière !

Dans quelques semaines, l’épidémie actuelle sera sans doute enrayée. Les humains auront appris l’importance de se laver les mains et d’adopter des gestes sanitaires. D’autres pandémies viendront. Peut-on penser, comme au temps des épidémies d’autrefois, que les humains ne survivront  à celles d’aujourd’hui que s’ils s’adaptent et composent avec ? N’est-ce pas la plus grande leçon que nous apporte la connaissance de notre passé ?

 

1.Bernier, Jacques, Les causes de décès au Québec au 19e siècle, Université Laval, 1992, p.241.2.Berthe Forget-Brissette, Registre des baptêmes 1866-1910, des décès 1866-1990, Saint-Hippolyte de Kilkenny, 1993, 97 pages.3.Préhistoire : tuberculose présente, beaucoup de mortalité annuelle dans le monde. Année 2015, on évalue à 1,8 million de décès, monde;166 et 189 : Peste Antonine ou peste galénique, Empire romain,10 millions de morts;541 : Peste bubonique, Empire romain, 25 millions de morts;1340 : Peste noire (Europe et Asie), 75 millions de morts.1347 à 1352;1664-1665: Peste bubonique, 20 % de la population de Londres soit 100 000 personnes;1852 à1860 : Choléra, troisième pandémie, 1 million de personnes, Europe;1918 et 1919 : Grippe espagnole, 50 et 100 millions de personnes, monde;1968 à 1969, Grippe de Hong Kong ou grippe asiatique, 1 à4 millions, monde;1970 : Variole, 20 000 morts en Inde, mais 100 000 personnes annuellement, monde; 1970 : VIH, depuis 1970, 36 millions de morts et continue d’être un problème majeur de santé publique.