Sculpture de Laurent Gagnon. Photo: Matéria

Réaménager le rêve

Hélène Matte, Droit de parole, Québec, février 2020

À ne pas manquer au centre Materia jusqu’au 15 mars, la nouvelle exposition de Laurent Gagnon La clé du paysage. Préparée lors d’une résidence au centre Est-Nord-Est en 2013, poursuivie et présentée au centre Vaste et vague en 2015, l’exposition arrive à point nommé au centre-ville cet hiver. Ouvrant des espaces intérieurs, ses formes semblent ravinées par le fleuve et le vent. La proposition contrastée nous plonge à la fois dans l’onirisme et la matière concrète, le témoignage et la fable. Elle invite à divaguer en même temps qu’elle nous prie de demeurer à l’écoute.

L’artiste est un gars de Québec. Il y a obtenu une Maîtrise en Arts visuels de l’Université Laval en 2002. On le connaît notamment pour s’être impliqué durant les années 1990 au sein de la légendaire Ilôt Fleurie dans le quartier Saint-Roch. Il a depuis réalisé de nombreuses expositions individuelles et collectives au Québec, au Canada et à l’international mais demeure actif dans la région, notamment par la réalisation de projets d’Intégration d’art à l’architecture. Son « Joyeux tumulte » a été inauguré dernièrement au Complexe aquatique multifonctionnel de Lévis. Il n’avait pas présenté de solo à Québec depuis D/construction à la galerie Tzara en 2011.

Gagnon travaille les techniques de reproduction d’images, la soudure et le bois. Il réalise des sculptures avec les objets trouvés qu’il accumule. La clef du paysage est dans la parfaite continuité de sa démarche. On y reconnaît son ingénieuse esthétique du matériau qui, plus qu’un détournement du quotidien, est une poétisation de celui-ci. La Galerie est meublée de pupitres et de dessertes disparates sur lesquels des amoncellement de clés composent des paysages sédimentaires. Tantôt talus ou galets, tantôt montagnes, tantôt feuilles d’arbre ou nuages, les clés sont transfigurées. Le mobilier dessine quant à lui des personnages. L’artiste en a modifié les éléments, parfois plus subtilement, en combinant les unités ou y ramifiant des retailles. La pièce centrale est une vanité centenaire dont il a renversé la fonction. Sans miroir, elle ne sert plus à se mirer mais à écouter. Un système de son y est intégré et la trame d’une cinquantaine de minutes donne à entendre divers témoignages à propos de clés.

Tout en révélant avec une certaine nostalgie la désuétude des objets, l’exposition souligne la sensualité des surfaces, les nuances des essences, les teintes métalliques, la finesse des marqueteries. Le rapport intime qu’entretient l’artiste à la substance des choses métamorphose leur banalité. Ces miniatures sont servies sur des socles étant parties prenantes de l’oeuvre. Elles ouvrent à une singularité des matières autant que des paroles. Par La clé du paysage, Laurent Gagnon valorise l’ordinaire et le hisse au rang du merveilleux.

La clé du paysage

Centre Materia

Du 31 janvier au 15 mars 2020

367 Boulevard Charest Est