Roger Lauzon devant la photographie La Coupe. Photo : Michel Bois

Paréidolie

Lyne Boulet, Le Sentier, Saint-Hippolyte, mars 2020

« Paréidolie se veut avant tout un laboratoire de l’imaginaire. Cette exposition ne tente pas de représenter la nature pour ce qu’elle est, mais comme source d’œuvres à la fois picturales et abstraites, riches en évocation. » C’est ainsi que l’artiste Roger Lauzon décrit l’œuvre photographique qu’il présente dans la salle multifonctionnelle de la bibliothèque jusqu’au 18 mars.

 

Pourquoi ce titre?

Tout d’abord, qu’est-ce qu’une paréidolie? C’est un phénomène psychologique qui permet au cerveau de structurer son environnement. Le cerveau a tendance à associer les nouvelles perceptions à celles qu’il connaît déjà. C’est utile pour classer un nouvel objet dans une catégorie connue. Mais ça peut entraîner des erreurs. Les paréidolies visuelles peuvent s’avérer des illusions d’optique, comme le fait d’identifier une forme familière dans un paysage, un nuage, de la fumée ou encore une tache d’encre. Le test de Rorschach1 est basé sur ce principe.

Roger Lauzon incite les gens à entrer en communication avec l’image, à laisser les compositions de la nature les interpeller au niveau de l’inconscient. « Les attentes, les prédispositions, la culture de chacun auront un impact sur ces projections », annonce-t-il. En regardant la photographie La Coupe, les spectateurs verront certainement un masque de profil. Seul point de convergence possible. Les autres œuvres exposées, quant à elles, feront émerger des visions très personnelles.

 

Multiplier les perceptions

Comment apprécier cette exposition? Lâchez la bride à votre imagination. Regardez d’abord chaque photographie à six pas de distance, puis rapprochez-vous à deux pas. D’ores et déjà, vous percevez autrement les images. Découvrez le titre de l’œuvre qui vous renseigne sur l’intention du photographe. Votre vision s’amplifie. Maintenant vous voyez aussi un peu à travers ses yeux. Lisez le haïku sous chacune des photographies. Il est le produit de l’inspiration de l’artiste qui partage avec nous ce que ses images éveillent chez lui. Ces mots vont également susciter des sensations, faire appel à votre intuition et déclencher de nouvelles impressions.

 

Fresques vivantes

« La nature a emmagasiné un ensemble de fresques vivantes pour nous raconter sa vie à elle sur des millions d’années. » Presque toutes les photos de l’exposition sont des prises de vues de rochers ou d’arbres, de précieuses empreintes du passé. Alors qu’il se trouvait au parc Aiguebelle en Abitibi il y a 10 ans, Roger a vécu le déclic qui a marqué le début de sa nouvelle démarche photographique. Les pierres, les écorces, les lichens se sont dévoilés à lui comme de véritables murales dessinées par la nature. Son legs à l’humanité. Toutes ces traces significatives et suggestives témoignent de ses origines et de son lointain passé. Roger Lauzon en est devenu le médiateur.

 

Le rendu photographique

Le photographe présente ce qu’il a vu et capté avec l’œil de sa caméra au cours d’une expédition en Amérique du Nord : séquoia de Muir Woods au nord de San Francisco, rocher de Rock Mountain au Nevada, roche sédimentée de Malibu, etc.. La Montagne est probablement son cliché le plus emblématique. Il a été pris dans la Grotte des fées en Gaspésie, un lieu de rencontre traditionnel des Mics-Macs. C’est un endroit porteur de beaucoup d’histoire. Roger y a découvert des fossiles qui s’apparentent à de l’écriture.

Aucun élément de ses images n’a été modifié en post-traitement. L’artiste se permet, tout au plus, d’altérer un peu la couleur pour bien marquer les contrastes. Il présente ses œuvres sur du papier archive et il utilise un processus d’impression giclée à haute résolution. De cette manière, il optimise la qualité de la texture de ses photos ainsi que leur durabilité. Une façon pour lui d’honorer ses sujets qui ont su traverser les siècles.

 

Un laboratoire de l’imaginaire

Roger Lauzon a adopté l’expression « laboratoire de l’imaginaire » parce qu’il se définit comme un chercheur. Il convie le public « à observer autre chose, à sortir des sentiers battus, à entrer en relation avec l’image de façon expérimentale. » Une invitation à la découverte! https://rogerlauzon.net

1. Le test de Rorschach est un outil d’évaluation psychologique de type projectif. Il propose à l’interprétation de la personne évaluée une série de formes, de taches symétriques qui, a priori, ne sont pas figuratives.