Permettre une plus grande visibilité à nos artistes

Alex Dorval, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, février 2020

Rejoindre son public sans s’endetter ou concéder tous ses droits à une agence et un producteur constitue un défi de taille pour les artistes de la scène musicale.  Plus souvent qu’autrement, la tâche de se faire découvrir est confié à des intermédiaires qui auront pour mission d’offrir une visibilité optimale à l’artiste et à son œuvre. « Améliorer sa découvrabilité » disent les gens du métier. Mais qu’en est-il à l’ère du numérique?

En recourant à Spotify et autres diffuseurs de contenu audio numérique, l’auteur-compositeur-interprète a-t-il réellement plus de chance de rejoindre son public ? « On n’a jamais autant consommé de musique » constate l’artiste mauricien Simon Laganière. Ce dernier avoue candidement ne pas trop savoir quoi penser à propos des plateformes d’écoute en continu (Spotify, Deezer, Youtube, etc). Perçu par le musicien comme un « mal nécessaire », il croit que les artistes n’ont pas le choix de « donner » leurs œuvres s’ils veulent se faire connaître. Mais l’optimalisation de la « découvrabilité » permet-elle réellement aux artistes de mieux gagner leur vie ? Le chanteur ajoute que « être connu c’est bien mais il faut trouver des moyens pour vivre de sa musique et se retrouver sur des listes d’écoute payantes ».

Pour Louis-Philippe Cantin, auteur-compositeur et membre du groupe trifluvien Perséide, la réticence envers Spotify tient surtout au fait que tous les groupes francophones du Québec sont référés sous le genre « musique québécoise ». « Le diffuseur Bandcamp nous a souri davantage car ils nous réfèrent à ses usagers par rapport aux styles auxquels nous nous identifions. Ce qui nous a permis de vendre des vinyles et albums en Corée par exemple ». On constate donc un certain scepticisme chez les artistes quant à l’argumentaire voulant que – exception faite de la musique anglophone – Spotify permette l’accès à un auditoire plus vaste.

 

Les intermédiaires à l’ère du numérique:

Le modèle économique de la diffusion musicale à l’ère du numérique se transforme et par le fait même les artistes, agences, producteurs et diffuseurs doivent revoir leur façon de faire. Le développement des plateformes d’écoute en continu et l’arrivée de fournisseurs de connexion a bousculé les stratégies de mise en marché traditionnelles et ultimement la façon dont chaque intermédiaire y trouve son compte financièrement.

Le mode de rémunération des artistes par la plateforme Spotify a été vivement critiqué dans les derniers mois comme en témoigne la sortie de Pierre Lapointe lors du dernier Gala de l’Adisq. Si Spotify offre à l’artiste d’accéder à un auditoire plus vaste cela ne se traduit pas nécessairement par de meilleurs revenus pour celui-ci en raison du mode de rémunération proposé par la plateforme.

 

 

Une stratégie numérique régionale en chantier

L’équipe de Culture Mauricie planche actuellement sur un projet visant la mutualisation de données sur le marché culturel de la région et sur l’analyse du comportement des consommateurs, mauriciens et autres. Ce projet ambitieux nommé DATA 04-17, se fait en collaboration étroite avec 15 organismes culturels de la région dont le Festivoix, Danse Encore, Culture Trois-Rivières, Culture Shawinigan, le Musée Pop, ainsi que les services de billetterie. Le directeur général Éric Lord se fait rassurant, « c’est un projet qui a requis un travail d’anonymisation des données ».

Une fois cette banque de données complétée, l’organisme sera en mesure de positionner l’offre culturelle régionale auprès de publics-cibles. Pour ce faire on fera appel à une plateforme numérique proposant un calendrier complet des activités annuelles ainsi qu’à un blogue. « En analysant les tendances, on pourra mettre de l’avant du contenu qui rejoindra à coup sûr les clientèles recherchées » précise M. Lord.

Questionné sur les enjeux de rémunération des artistes à l’ère des plateformes d’écoute en continu, le directeur de Culture Mauricie croit que « tous les modèles existent d’emblée, ils ne sont pas bons ou mauvais, il faut essayer de comprendre comment ils fonctionnent plutôt que d’en avoir peur ». Il reviendrait donc à chaque artiste de s’entourer d’une équipe de mise en marché compétente et en qui il/elle a confiance.

D’ailleurs précise, Marili Boucher, directrice au développement numérique chez Culture Mauricie « des formations sont offertes aux artistes en lien avec leurs droits et le positionnement numérique, il suffit de nous contacter ».