Quelques instants d’éternité, l’exposition du photographe laurentien Michel Tremblay sera présentée dans la salle multifonctionnelle de la bibliothèque jusqu’au 19 février.

Quelques instants d’éternité

Lyne Boulet, Le Sentier, Saint-Hippolyte, le 28 janvier 2020

Michel Tremblay est originaire du Saguenay. Après avoir longtemps vécu à Montréal, il s’est installé à Sainte-Marguerite, il y a cinq ans. Réminiscence d’impressions de jeunesse. C’est dans nos Laurentides vallonnées et montagneuses qu’il a retrouvé un contact intime avec la nature.

 

Un artiste

Michel Tremblay ne s’adonne à la photographie que depuis 2018. Pourtant lorsqu’on observe ses œuvres, on ressent toute la profondeur et la richesse du regard d’un artiste. Cette intensité, il l’a développée avec l’écriture. Une démarche philosophique, spirituelle et mystique tout à la fois. Pendant 30 ans, loin de tout, il a pris le temps de voir les mots, de débusquer toutes les images qu’ils peuvent évoquer. Il créait pour partager, mais sa démarche conceptuelle n’a pas obtenu la résonance espérée. Alors qu’il avait le goût du contact, l’écriture le gardait enfermé dans une bulle.

La photographie, elle, lui a permis de s’intégrer au monde. Son approche n’a pas changé. Il prend toujours le temps de regarder. Par contre, maintenant, ce ne sont plus les mots, mais les décors. Pourtant il s’applique toujours autant à rendre l’ordinaire extraordinaire. Pourquoi la photo? « Peut-être un peu parce que mes parents faisaient de la photo à la fin de leurs jours. Si on possède une bonne lentille mentale pour regarder, on va voir des choses », explique-t-il.

 

Astuces

Recherche, création et développement de singularités photographiques peut-on lire sur sa carte de visite. Autant son approche à l’écriture était unique, autant sa façon d’aborder la photographie l’est devenue. Le photographe s’attarde aux détails, aux petits riens. Il les met en évidence. Il nous les présente dans leur splendeur et leur complexité. Fleurs, pierres et branches dévoilent leurs trésors cachés, à peine perceptibles. Il en a repéré certains au moment de la prise de photo comme cette vierge et son enfant qu’il a tout de suite vu dans une pierre. D’autres, comme les têtes d’un loup et d’un coyote inscrits dans un morceau de bois mort, se sont révélés à lui plus tard, devant son écran.

Déviant un instant de la recherche scrutatrice de l’infime, le photographe nous propose aussi une série d’images de décors naturels de la Rivière-du Nord. Toutes sont les reflets inversés des scènes photographiées. De frémissants miroirs qui nous interrogent sur notre vision de l’espace. Non conformiste au moment du traitement photographique, Michel peut se servir du bruit numérique pour caractériser ses images, allant même quelquefois jusqu’à l’amplifier. Devant Le regard d’une mère, il explique qu’il a exploité la lumière scapulaire pour bien en accentuer les contours.

 

Point de vue éditorialiste

Représenter l’humanité en privilégiant l’esthétique formelle d’un objet non identifié qui s’avère être un sac de plastique en décomposition au sol. Présenter une fleur dont les feuilles sont en fin de vie pour permettre au spectateur d’en admirer le cœur encore vivant de couleurs. Il s’agit bien pour l’artiste de prendre parti. Mais avant cette prise de position, il y a eu cette rencontre entre Michel et ses images. « Pour que le silence profond de l’émerveillement puisse advenir, je crée un contexte pictural où le brouhaha d’information et l’agitation du monde qui entourait ces petits riens se retrouveront tamisés et souvent même complètement effacés. »1 C’est une complicité qui s’établit image par image dans l’étonnement, l’éblouissement et l’enchantement. Des rencontres uniques et précieuses. Ce ne sont que quelques photographies exceptionnelles qui passeront ce cap.

1Extrait de Michel Tremblay — Tous les matins du monde, entretien réalisé en 2019 par Daniel Giguère, publié dans Le Cahier des arts des Laurentides.