Photo : Marc Simard

De la peinture aux actes

Marc Simard, Le Mouton NOIR, Rimouski, le 25 janvier 2020

J’avais à peine 15 ans quand je me suis retrouvé devant un juge à la Cour de la jeunesse. Je n’avais tué personne. Je n’avais agressé personne. Je n’avais rien volé non plus. J’avais écrit en lettres géantes sur les portes de la polyvalente que je fréquentais : ANARCHY IN THE UK1. Je n’avais évidemment pas encore lu Proudhon, Anselme Bellegarrigue ou Ellul. Mais j’avais des intuitions idéologiques du dogme que je prônerai le reste de ma vie. Je m’égare. Pour mon graffiti et quelques autres du même acabit, j’ai eu une sentence importante pour l’ado que j’étais : 30 heures de travaux communautaires. J’ai cordé du bois, fais des lits sur lesquels on devait pouvoir faire rebondir une pièce de 25 sous et d’autres tâches ménagères dans une congrégation religieuse. Quel bel endroit pour envoyer un jeune homme rebelle! Qu’importe.

J’ai toujours aimé les graffiti. Le Facebook illégal de toute une époque. À la différence que le premier est plus artistique et demande beaucoup plus de courage que de publier des statuts à l’aide de faux profils. Le phénomène est plus présent dans les grandes villes anonymes. Mais force est de constater que, depuis quelque temps, à Rimouski du moins, on en voit de plus en plus. Souvenons-nous du fameux « On tue la planète » peint en lettres géantes sur le pont ferroviaire qui enjambe le boulevard Saint-Germain (route 132) à l’entrée du quartier Nazareth. Un graffiti, réalisé lors de la manifestation pour la planète du 27 septembre dernier. Les autorités concernées n’ont pas aimé. Le pont a été repeint à peine quelques jours plus tard. Qu’à cela ne tienne. Depuis trois semaines, la citation « On tue la planète… Encore » a fait son apparition.

En parallèle, le pont qui surplombe le boulevard de la rivière et ladite rivière passait sous la canette de graffiteurs acrobates. Même genre de message proenvironnement.

Depuis deux ou trois semaines, sur la façade d’une station-service Irving fermée depuis le printemps dernier sur la 132 à Nazareth, on peut lire : « Une station de moins, c’est bien ».

C’est un excellent début tout ça. Mais comme je l’ai souvent écrit, il va falloir plus, beaucoup plus. Et comme les élus font la sourde oreille, il va falloir poser des gestes qui les visent directement.

Dans ma propre maison, les commentaires fusent de toutes parts si j’ai le malheur de jeter un raisin dans la poubelle au lieu de l’envoyer au compost. Pourtant, les scientifiques sont clairs, ce ne sont pas les petits gestes du quotidien des simples citoyens qui changeront les choses. Il faut une population motivée et enragée pour convaincre les gouvernements de forcer les grandes entreprises et l’industrie du transport notamment à effectuer un changement à 180 degrés. Qu’on me demande d’arrêter ma voiture quand je rentre quelques minutes au dépanneur, alors qu’on songe toujours à construire des pipelines… Je n’en peux plus!

Peut-être va-t-il falloir que l’Australie brûle au complet avant que les dirigeants allument? Une inondation au Bangladesh faisant 345 morts n’attire pas assez l’attention. Mais cette fois, les médias sont en alerte et les mots « changements climatiques » circulent comme jamais auparavant.

Alors les graffiteurs, continuez votre combat, je paie la peinture!

p.-s. : Vous vous souvenez de ma voisine qui arrosait son entrée et les feuilles de ses arbres cet été en pleine canicule? Hier, elle déneigeait ces mêmes arbres avec un balai pour les voitures. Je dis ça en passant.

1 Titre d’une chanson des Sex Pistols : un groupe punk anglais des années 1970.

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