Maude et son frère. Photo : Collection personnelle Maude Zulauff

Une belle vie d’autiste

Maude Zulauff, L’Écho de Compton, décembre 2019

Récemment,  le  public  québécois  a  reçu  un  cadeau  :  l’émission  Autiste  bientôt  majeur qu’on  a  pu  visionner  sur  la  chaîne  Moi  et  Cie.  La  série  met  en  vedette  des  jeunes  vivant avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA), avec, entre autres, l’animateur Charles Lafortune et son jeune Mathis, dix-sept ans. Plusieurs  thèmes  sont  touchés  dans  cette  réalisation, comme la vie de famille, les amitiés, l’autonomie et l’intégration au marché du travail. Chez Net‑ix, on retrouve la série Atypical qui raconte l’histoire d’un adolescent Asperger  qui,  comme  bien  des  ados,  se  cherche une copine et doit faire face au chapitre exaltant et parfois effrayant du secondaire. Grâce à ces émissions, on découvre le merveilleux  monde  de  l’autisme.  Oui,  oui ! Merveilleux ! Les hauts et les bas, les rires et les pleurs, tout ce qui fait de notre vie un vrai bonheur. Parce qu’effectivement, la différence nous rend plus riches. Personnellement, côtoyer la différence chaque jour me rend une personne plus accomplie et plus ère. Je vous offre alors, chers lecteurs et lectrices, ma version d’une télé-réalité qui est « notre » réalité.

Cela fera bientôt vingt ans pour moi que j’ai la chance de connaître le plus extraordinaire des frères, Jean-Louis, qui est atteint du syndrome Asperger. Vingt ans que je passe du rôle de la petite sœur à celle de la grande sœur. Ça n’a pas toujours été rose, mais peu importe, Jean-Louis, ou Luigi pour les intimes, est le frère que tout le monde devrait avoir. Ce cher Luigi, il est avant tout un vrai sac à blagues. Si vous avez le bonheur de le croiser sur votre chemin, il vous contera la dernière blague qu’il a entendu dans l’émission Les Simpsons ou encore une de son propre répertoire.  Son  rêve  le  plus  fou ?  Probablement  graduer  à  l’école  de  l’humour !  Cette  passion pour  la  comédie  se  fait  autant  ressentir lorsque qu’il nous faire rire sur l’heure du souper que lorsqu’il a l’honneur d’être sur une scène. « Je ne suis pas athée, mais plus à café », c’est le genre de phrases qu’on entend par  chez  nous,  tous  les  jours.  Lorsqu’on  se  chicane sur des problèmes de vie, mon frère, lui,  renverse  la  situation  pour  la  rendre  humoristique  et  nous  fait réaliser qu’au fond, on perd notre énergie à s’en faire trop pour des détails qui ont l’importance d’un grain de sable.

Dans  le  monde  de  Luigi,  on  retrouve  également les jeux vidéo. Admirateur de Sonic depuis son enfance, il connaît aussi tout de Mario  et  Luigi  Bros.  C’est  de  là  qu’il  détient  son  look  de  la  moustache  et  le  surnom qui lui va tout aussi bien. De mon côté, je vais toujours me rappeler des après-midi  entiers  à  jouer  aux  Pokémons  sur  la  Nintendo 64 lorsqu’on était gamins.

Ce que j’admire le plus chez mon frère, c’est son  dévouement  envers  sa  communauté  et  son  autonomie.  Il  y  a  cinq  ans,  Jean-Louis  atteint les fameux vingt et un ans, l’âge auquel les jeunes autistes ne sont plus pris en charge par un établissement scolaire, d’où le casse-tête pour les parents de trouver comment occuper leurs journées. Malgré la peur de l’inconnu, la Coop de Compton a fait preuve d’ouverture en l’intégrant dans son équipe. Depuis, Jean-Louis accueille et rend service à la clientèle, s’épanouissant de jour en jour. Il saura, entre autres, bien vous renseigner sur les nouveaux arrivages et vous aider à trouver tout le matériel nécessaire. Puis, le vendredi soir, après une bonne  semaine  de  travail,  il  se  repose  dans  son petit chez-soi aux habitations Hestia de Coaticook. Pour nous, en tant que famille, c’est un grand accomplissement de le voir, pas à pas, s’intégrer dans la vie sociale et faire face au  changement  surtout.  J’ai  le  grand  sourire quand je le vois choisir attentivement sa marque spécique de jambon à l’épicerie et se diriger seul à la caisse. Ça me fait chaud au cœur aussi de le voir découvrir le monde artistique en faisant du bénévolat au Pavillon des Arts de Coaticook. Ce n’est quand même pas rien avoir un sele avec Dan Bigras ou encore échanger avec Émile Bilodeau !

Pendant  longtemps,  mes  parents  et  moi  vivions avec des craintes. Mais lorsqu’on voit la  vie  au  travers  de  ses  lunettes,  on  se  rend  compte  que  notre  Luigi  est  bien  équipé  pour  faire  face  à  l’avenir.  Car,  comme  le  disait John Lennon, ce n’est pas ce qu’on fait ou ce qu’on possède qui compte, mais bien d’être heureux.