Photo : Suzanne O'Neill

L’urgence climatique à Trois-Pistoles : quand l’idéologie punk sauve nos trésors locaux

Marion Szymczak, Le Mouton NOIR, Rimouski, septembre-octobre 2019

Cet été, au Théâtre du Bic, nous avons pu découvrir le Trois-Pistoles de Fin septembre, début janvier, pièce dramatique de Mathieu Barrette. À peine arrivés dans la salle, plongés dans une expérience multisensorielle, nous découvrons un Trois-Pistoles imaginaire. Alors que nous nous installons, une émission de radio locale joue, et les voix nous semblent familières. Pour les moins habitués de la contrée, une carte projetée présente la ville et ses alentours. L’odeur et le goût de la bière spécialement brassée pour la pièce par la microbrasserie bien réelle, Le Caveau des Trois-Pistoles, contribuent également à l’immersion.

De bière, il en sera grandement question dans cette comédie. Une brasserie s’installe dans la ville et crée des centaines d’emplois. La région reprend du poil de la bête, et son économie prospère. Les jeunes et moins jeunes reviennent vivre dans le Bas-du-Fleuve. Le hic? La brasserie puise son eau dans une ressource limitée pour fabriquer sa bière : le lac d’eau douce de l’île aux Basques, située dans le Saint-Laurent salé. Le dilemme apparaît : l’entreprise s’étend au marché international et s’enrichit tout comme ses employés en détruisant à jamais la source, ou alors, elle évite cette catastrophe écologique en mettant des dizaines de famille au chômage.

Pour Sabrina Rioux, qui n’est pas seulement la plus belle fille de l’endroit, et Jonathan Da Costa, guitariste téméraire, tous deux spécialistes des quatre cents coups, la question ne se pose pas. Le duo de jeunes trentenaires pistolois, véritables enfants des années 1990, monte au créneau pour préserver le miracle naturel local. Fortement attachés à la ville et à son passé, ils nous racontent leur enfance, leur adolescence et leur histoire d’amour à 3P et tentent de dialoguer avec toutes les générations à propos de l’avenir de leur localité, mais aussi de la planète entière.

Ces personnages, interprétés par Ariane Bellavance-Fafard et Steven Lee Potvin, se revendiquent de l’héritage punk et exécutent à merveille son slogan Do it yourself. Révoltés, ils improvisent face à l’urgence de préserver leur territoire. Leur colère, mais aussi leur énergie et leur imagination sont décuplées devant l’inaction de la population qui s’apprête à assister à l’agonie dans laquelle l’île s’enfonce inexorablement. Les deux protagonistes s’engagent corps et âme contre le No future. (On oublie bien trop souvent que ce fameux No future des Sex (trois) Pistols (qui étaient quatre), dans leur morceau God save the Queen, était en réalité suivi de For you! adressé à tous les bien-pensants, bourgeois, favorables à la famille royale anglaise, etc.) Reliés à leur territoire par des liens quasi familiaux, ils iront jusqu’au bout de leurs idéaux.

Punks et débrouillards, les deux acteurs le sont aussi lorsqu’ils chantent et jouent eux-mêmes les chansons qui traversent la pièce. Leur jeu, les sauts dans le temps et dans l’espace, la mise en scène d’Eudore Belzile et les effets spéciaux, tout va à mille à l’heure. Il serait temps que nous agissions avec la même énergie, le même courage et la même foi pour que nos petits frères et petites sœurs, que nos enfants et petits-enfants ne nous en veuillent pas trop de ne pas avoir agi avant pour arrêter le massacre de notre chez-nous, de notre planète