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Qu’est-ce-que ça prendra?

Kym Désaulniers, Le Stéphanois, Saint-Étienne-des-Grès, juin 2019

Il était 9 h, le soleil brûlait déjà bien fort par une magnifique journée de printemps. Ce matin-là, j’étais bien déterminée à faire une  différence,  à  apporter  mon  aide à d’autres qui comme moi se soucient de leur environnement (comme  ils  le  peuvent).  Mes  gants  réutilisables  étaient  mis,  mes souliers bien chaussés, sac à la main, j’étais fin prête! Go go!

À  chaque  chose  étrange  que  je  trouvais,  j’essayais  de  ne  m’en  tenir  qu’à  ramasser.  Ramasser,  jeter, ramasser, jeter… sans trop me décourager, ni colérer; parce que j’en aurais eu des crampes au ventre, croyez-moi! Quoique, il y  a  eu  souvent  des  «  Ha  bien  regarde-moi  ça,  peux-tu  y  croire? » aussi des « Mais franchement,  sérieux,  quelqu’un  a  osé faire ça! » et « Ha là ça n’a pas de sens! ».

10 h 15 se pointait pendant que je me penchais pour ramasser mon 603ième  mégots  de  cigarette  (eh  oui, je me suis mise à les compter… erreur à ne pas refaire), lors de  l’activé  «  Saint-Étienne  se  ramasse ». Au loin une voiture fit ce que jamais je n’aurais pensé faisable, ayant roulé juste à côté de nous… cela ne prit que deux minuscules  secondes  pour  que  la  canette  sortant  par  la  fenêtre  s’écrase  au  sol.  Deux  secondes  pour que cette image me percute de  plein  fouet.  Deux  secondes  beaucoup  trop  longues.  Deux  secondes qui donnaient un véritable sens à notre présence et à cette cause. Mais deux secondes qui me donnaient également une véritable envie de vomir!

Peut-être  suis-je  trop  naïve,  je  rêverais  d’un  monde  où  le  bon  sens  l’emporterait  sur  la  stupidité.  Où  l’être  humain  comprendrait  que  la  planète  est  sa  maison,  pas  sa  poubelle!  Jetteriez-vous vos détritus directement  sur  le  parquet  de  votre  salon?  Moi  non.  Parce  que  j’ai  un minimum de bon sens. Parce que  j’aime  mon  environnement  et  j’essaye  de  faire  tout  ce  que  je  peux  pour  l’aider.  Malheureusement,  je  n’ai  pas  grandi  dans  une  famille  qui  était  écoresponsable. Au fil des années, j’ai dû apprendre par moi-même à me conscientiser. Peu importe qui  nous  sommes,  cela  peut  s’acquérir par son vécu, par ses valeurs, par ses résolutions, etc.; nos choix peuvent faire changer la balance, aussi petits soient-il!

C’est si simple de prendre deux secondes  de  son  temps  pour  jeter  tout  par  la  fenêtre,  à  mon  avis, ce l’est tout autant pour le déposer dans un endroit requis. Il est évident que l’on ne pourrait pas enlever toutes les ordures (je suis naïve, mais pas à ce point), toutefois, c’est la responsabilité de tous d’y prendre part. Je sais que ce n’est ni le premier, ni le dernier  déchet  lancé  en  deux  secondes.  Je  sais  que  ce  n’est  pas  ce  texte  qui  changera  tout  (…sait-on?). C’est juste désolant qu’il  faudra  constamment  se  battre  à  contre-courant.  Alors  qu’est-ce  que  ça  prendra  pour  que  les  gens  se  sensibilisent  à  la  problématique  des  déchets?  Qu’est-ce  que  ça  prendra  pour  qu’ils réalisent que ce geste gratuit  n’est  pas  aidant?  Qu’est-ce  que  ça  prendra  pour  que  ça  les  touche personnellement?

Les  ordures  il  y  en  a  toujours  eu,  néanmoins  cela  reste  un  problème majeur! Malgré que les enjeux  environnementaux  sont  au  cœur  de  l’actualité,  malgré  qu’ils  concernent  chaque  individu,  certains  feignent  l’ignorance et l’indifférence. Pourtant l’information est là, mais qu’est-ce  qui  dissocie  l’accès  à  l’info  de l’action?12  h,  me  voilà  finalement  de  retour chez-moi. Je me sens sale, j’ai chaud, mes pieds sont endoloris,  et  je  me  sens  bien  moins  déterminée  qu’au  matin.  Rapidement,  une  douleur  invisible  me transperce, et la panique me prend à la gorge. Vous savez, cet étouffement qu’on ressent quand on se sens coincé et impuissant. En  tête,  une  phrase  de  Greta  Thunberg,  cette  militante  environnementale  de  16  ans,  me  revient  «  Votre  inaction  détruit  notre  futur.  »    elle  tourne  et  tourne  en  boucle  entre  deux  sanglots  ;  parce  que  balancer  ces saletés au sol est une forme d’action  contre  l’écologie,  cela  n’aide aucunement l’avenir face à notre empreinte écologique.

Une  fois,  on  m’avait  déjà  dit  «  By  the  way,  c’est  pas  mon  déchet que je jette par terre qui changera  la  donne!  De  toute  façon,  c’est  déjà  foutu!  »  Mais  justement,  «  faisons  comme  si  c’était pas foutu ». N’êtes-vous pas  d’accord  avec  cette  phrase  dites par l’astrophysicien Hubert Reeves?  Moi  si.  C’est  foutu,  si  en  effet,  vous  ne  prenez  même  pas  la  peine  de  faire  un  simple  petit  bien  pour  votre  planète;  elle  n’est  pas  un  acquis!  Sans  doute  est-ce  trop  long  sortir  de  sa  voiture,  marcher  jusqu’à  la  poubelle,  lever  le  couvercle  et  jeter;  c’est  trop  long,  bien  plus long  que  deux  secondes.  Bon  d’accord,  j’en  conviens!  Mais  alors  pourquoi  ne  pas  le  garder  dans  votre  voiture.  Vous  le  jetterez à votre travail, votre maison, ou peu importe où (ce n’est un  secret  pour  personne,  des  poubelles, il y en a partout et ça depuis très longtemps)!Nous  voilà  quelques  semaines  plus  tard,  là  où  j’ai  ramassé.  C’est  comme  si  je  n’y  étais  jamais  passé.  Les  déchets,  différents,  sont  revenus.  Il  n’y  a  aucune  excuse  intelligente  qui  peut  donner  raison  à  celui  qui  jette par terre, aucune. La planète n’est pas un bac à ordure, point! Mais qu’est-ce que ça prendra?

Merci  à  la  merveilleuse  équipe  de « Saint-Étienne se ramasse »! Vous  avez  eu  un  accueil  très  chaleureux  et  une  belle  écoute!  C’est  grâce  à  des  gens  comme  vous qu’il vaut la peine de nager à contre-courant! En espérant qu’il y aura plus souvent ce genre d’activité!