Christine Tassan et les Imposteures: de Montmartre à Prévost

Jean-Pierre Tremblay, Le Sentier, Saint-Hippolyte, mai 2019

Le quatuor à cordes Christine Tassan et les Imposteures a livré une prestation sans faille aux spectateurs de la salle Saint-François-Xavier de Prévost, le 6 avril. Le groupe a présenté son dernier album Entre Félix et Django, un amalgame entre l’univers de notre trésor national, Félix Leclerc, et celui d’un grand du jazz manouche, Django Reinhardt.

Début des années 50. Félix Leclerc, pratiquement inconnu au Québec, s’installe à Montmartre où il conquiert le public français, une chanson à la fois. Un soir, il n’arrive pas à dormir puisqu’un voisin de palier joue de la guitare. Notre poète aurait alors dit à sa femme, Andrée Viens : « chérie, je n’arrive pas à dormir à cause de la musique jouée par le voisin. Et il est rudement bon… Allons le rejoindre! » Ce voisin n’était nul autre que Django Reinhardt. Ce dialogue « inventé » est inspiré d’une rencontre, bien réelle, devenue le point de départ de l’album Entre Félix et Django, récipiendaire 2017 du prix Opus Album Jazz de l’année.

 

Un retour à Prévost

Il s’agissait de la seconde invitation de Diffusion Amal’Gamme aux musiciennes montréalaises. Le groupe était venu y présenter C’est l’heure de l’apéro, à l’automne 2014. Dès les premières notes du classique Le p’tit bonheur, la complicité des membres du groupe est évidente. Regards de connivence et sourires communicatifs sont échangés entre les membres du groupe et avec le public.

C’est avec une certaine stupéfaction que le public apprend, à la fin de ce premier « morceau », qu’il s’agissait d’un alliage – réussi – du grand classique de Félix Leclerc et de Minor Swing de Django Reinhardt. Que ceux qui croyaient maîtriser leurs classiques se le tiennent pour dit, cette soirée sera pleine de découvertes!

Virtuosité et harmonie

La virtuosité de Christine Tassan, guitariste solo et « pôle rassembleur du groupe », saute immédiatement aux yeux. Les prestations vocales et instrumentales sont impeccables et les arrangements originaux. Chaque pièce est mise en scène de telle sorte que le spectateur a l’impression d’assister à un théâtre musical, où l’harmonie joue le rôle du héros.

Il faut dire que « les Imposteures » sont des musiciennes qui n’en sont pas à leurs premières armes… L’assise rythmique est assurée par Blanche Baillargeon, dont le délicat physique de ballerine, contraste avec l’autorité dont elle fait preuve en tirant les notes de sa contrebasse. Pince-sans-rire, ses interventions auprès de l’auditoire se terminent souvent par le rire de celui-ci. Son interprétation de la mouche de ville mérite une médaille!

La violoniste Martine Gaumond sait faire vibrer son instrument tout autant que le public qui assiste à ses envolées. Lorsque joué avec puissance, son violon donne la réplique à la guitare, comme dans un dialogue entre deux amis au fort caractère. Joué avec douceur, l’artiste confectionne un délicat écrin sonore prêt à recevoir un solo de guitare ou un passage vocal.

La guitare rythmique a été assurée par Jeff Moseley, en remplacement de Lise-Anne Ross. L’histoire ne dit pas si ce remplacement était ponctuel ou permanent. C’est donc un dossier à suivre pour les fans du groupe.

Bien que le spectacle ait été présenté par un quatuor composé de trois musiciennes et d’un musicien, l’auteur a fait le choix d’écrire l’article au féminin. Voyez cela comme un pied de nez aux tendances misogynes de la langue française et un hommage à l’histoire du groupe qui compte un membre masculin pour la première fois de son histoire débutée il y a plus de quinze ans.