Martin Bureau est l’artiste en résidence du Festival International de Musique Actuelle de Victoriaville. Il présentera son exposition Plaisirs non coupables en terres troubles qui explore l’anthropocène et les conflits géopolitiques contemporains. Crédits : Martin Bureau

Martin Bureau au FIMAV : peindre sur les murs du son

Luc Drapeau, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, mai 2019

Inspiré par la multitude des propositions offertes dans le cadre de la 35​e édition du Festival International de Musique Actuelle de Victoriaville (FIMAV) (spectacles en salle, installations sonores dans l’espace public, présentation de courts métrages expérimentaux), nous avons décidé d’aborder celle-ci sous l’angle des arts visuels. Pour ce faire, nous avons rencontré Martin Bureau, artiste en résidence, qui incarne à sa manière l’esprit de ce festival. Son exposition ​Plaisirs non coupables en terres troubles​, qui se tiendra au colisée A, présentera une sélection d’œuvres réalisées entre 2006 et 2018 explorant l’anthropocène et les conflits géopolitiques contemporains.

L’artiste multidisciplinaire qui, depuis une vingtaine d’années, parcourt le monde à la faveur d’expositions solos et collectives et pour réaliser des documentaires tels son dernier, ​Les murs du désordre, qui l’a amené au pied des « murs de la paix » d’Irlande du Nord, du mur israélo‑palestinien et de celui qui prend forme à la frontière mexicaine, n’est nullement dépaysé par la formule proposée par le festival. « Ça fait 20 ans que je le fréquente sporadiquement. J’ai vu John Zorn et René Lussier, des artistes qui m’inspirent. J’ai vu passer plein d’expositions. Que ce soit mon tour, c’est une belle fleur, un bel hommage. Je vois aussi ma participation comme l’occasion de découvrir de nouveaux talents », admet celui qui a un penchant pour les propositions contrastées, mariant dans le meilleur des mondes la rigueur des musiques savantes et la fureur de vivre de l’esprit punk, dont le FIMAV détient le secret.

Un pinceau « plogué » dans une palette d’effets

Très lié au milieu québécois de la musique, Martin Bureau a réalisé au fil des ans les pochettes de groupes de musiciens québécois allant de Tire le coyote à Galaxie, en passant par Fred Fortin et Gros mené. Alors que je porte à son attention le lien de parenté que je perçois entre son œuvre et la musique de Godspeed you ! Black Emperor (GY!BE), Martin m’avoue qu’il serait très heureux si le groupe montréalais le contactait pour son prochain album : « Godspeed m’accompagne quand je travaille », confie le peintre en soulignant au passage le travail du cinéaste Karl Lemieux, qui en plus de s’occuper de la programmation des courts-métrages du FIMAV, collabore fréquemment avec GY!BE. « C’est évident qu’il y a un parallèle à faire entre la distorsion, les ambiances dichotomiques, le côté abrasif de leur musique et les images que je crée. Un ré ou un si passé dans des filtres et des effets donne une densité qu’on n’aurait pas autrement. J’envisage l’image de la même manière. »

 

Quand un univers à la Orwell rencontre un ciel à la Turner

Martin Bureau étant passé maître dans l’art de réunir dans une seule et même image des propositions en apparence dichotomiques, ses expositions proposent autant de points de vue critiques sonnant l’alarme sur un monde entraîné à sa perte par ses nombreux paradoxes. Qu’ils évoquent des divertissements à grand déploiement dans des cloisonnements ayant des airs de fin du monde ou mettent en scène des activités de loisir pratiquées dans des enclaves économiques déshumanisantes, les tableaux de Martin Bureau piquent notre curiosité et sont autant d’invitation à réfléchir sur notre condition.