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De la neige printanière

Alexandre Robichaud, Le Mouton NOIR, Rimouski, mars-avril 2019

Plan Neige est le tout premier EP de chansons de Clarisse Bériault (voix et textes) et Gabriel Dufour Langlois (guitare, voix et musique). Un premier projet du genre pour les deux musiciens. Au fur et à mesure des cinq pièces déployées sur environ trente minutes, le duo nous emmène dans un univers intimiste chargé d’émotions, d’introspection.

À la première écoute, la musique évoque, dans le bon sens du terme, de nombreux autres artistes. Un peu de Fiori dans le son, Safia Nolin dans les voix, Marie-Pierre Arthur et plein d’autres rockeurs québécois dans l’esprit. On peut également percevoir des références au jazz actuel dans les lignes musicales.

Même si les chansons peuvent s’écouter sans trop réfléchir, un café à la main, la neige délicate qui tombe à la fenêtre du salon, c’est par une écoute active qu’on saisit toute la beauté de l’œuvre. On perçoit la complicité entre les deux artistes, leur personnalité respective, leurs bagages musicaux et poétiques. L’album a une identité qui lui est propre : un folk hirsute qui s’apprivoise au fur et à mesure des écoutes.

Le duo me confiait avoir créé cet album de manière tout à fait « naturelle ». La production de cet EP se sera étendue sur plus d’un an : ne pas s’obstiner, saisir l’inspiration quand elle vient, ne pas brusquer les choses, laisser le cœur et l’inconscient travailler avant d’oser se pencher sur la planche à dessin. « Pour le produit final, on avait pensé ajouter des arrangements de clarinettes et de cordes pour enrober les voix fragiles, presque murmurées par moments, mais l’accompagnement en solo de la guitare était amplement suffisant pour soutenir les textes de Bériault ». Et ça sonne comme une tonne de brique : captée au Studio de l’anse à Sainte-Luce, une simple piste de guitare magnifiquement enregistrée suffit à supporter les voix, tel un band rock complet.

En outre, Gabriel a concocté des parties de guitare tout simplement brillantes. Tout en délicatesse, les arpèges portent les voix à merveille, proposent des mélodies secondaires humbles et concises. De temps à autre, un strumming plus incisif vient soutenir les moments plus dramatiques, plus rythmés. L’harmonie est riche et évoque rarement les suites d’accords accrocheurs qu’on attend de la pop. Les transitions sont impeccables, le jeu est sobre et raffiné. Les harmonies vocales sont calculées, les moments de solo et de duo alternent rapidement et servent à merveille la mélodie principale. On sent le souci du détail et le temps passé à peaufiner l’ensemble.

Les paroles peuvent sembler obscures ou trop vagues au premier abord, mais avec l’écoute, on devine les histoires derrière les magnifiques images que Clarisse a habilement concoctées. Une randonnée sur les glaces du fleuve qui pourrait mal tourner, une affiche un peu quétaine aperçue dans une boutique, de simples détails de soirées de fête et des questions plus existentielles. Les pièces sont relativement longues pour de la chanson, avec des refrains subtils revenant rarement plus de deux fois. Les textes se déploient lentement, sur toute la durée des chansons, entrecoupés de courts épisodes instrumentaux. Il est facile de perdre le fil. C’est le genre de chansons qui prennent tout leur sens lorsqu’on les connaît un peu par cœur. Et je vous invite grandement à vous y plonger.