Quand le sirop d’érable goûte le ciel

Marjolaine Jolicoeur, L’Horizon, Trois-Pistoles

Au moment où les acériculteurs préparent leur saison dans la froidure de la fin de l’hiver, on rêve déjà à de la tire sur la neige et à du sirop chaud coulant sur des crêpes. Mais connaissons-nous vraiment le sirop d’érable?

Trop souvent, la qualité du sirop d’érable est évaluée uniquement par sa couleur. Mais comme le café ou le vin, l’or liquide comporte une gamme de saveurs et d’arômes. Il est loin d’être un produit au goût uniforme, en particulier si on l’achète directement chez le producteur acéricole.

Nathalie Martin est chimiste et chercheuse chez ACER, un centre de recherche entièrement dédié à l’acériculture, de la forêt jusqu’aux produits dérivés. Elle a récemment participé à une étude exploratoire portant sur les saveurs du sirop d’érable recherchées par les consommateurs. Une centaine de personnes furent interrogées pour comprendre leurs préférences. Leurs motivations d’achat furent ainsi ciblées afin d’aider l’acériculteur dans sa vente au détail.

Variété de saveurs et de couleurs

Plusieurs groupes d’âge provenant de milieux différents ont goûté et analysé un total de 24 échantillons de sirop d’érable représentatifs des différentes catégories produites dans l’industrie. « Les participants furent surpris de l’existence d’une si grande variété de couleurs et de saveurs allant de la vanille à la mélasse. Alors que pour plusieurs le sirop clair demeure le préféré, celui plus foncé a été une belle découverte », explique Mme Martin.

Au final, cette consultation démontre la curiosité des consommateurs et leur intérêt à expérimenter la palette de goûts du sirop d’érable. Motivés à en apprendre davantage, ils se disent même prêts à modifier leur comportement d’achat. Mme Martin donne en exemple ce participant « capable de faire des kilomètres pour aller chez un producteur qui lui ferait goûter et découvrir les saveurs de son sirop avant de l’acheter ».

De façon unanime, les participants de l’étude adoraient le sirop d’érable et le privilégiait aux autres produits sucrants. Et nombre d’entre eux n’ont pas hésité à s’exclamer que le sirop d’érable « ça goûte le ciel »!

 

Nouvelle classification

Afin d’harmoniser les classes du sirop d’érable du Québec avec celles du Canada et des États-Unis, une nouvelle classification a été mise en place il y a quelques années. Elle est maintenant définie en fonction du degré de transmission de la lumière par le sirop d’érable; s’y ajoute aussi un descripteur de goût.

Les nouvelles classes se déterminent à présent du plus fin au plus corsé : le doré au goût délicat; l’ambré au goût riche; le foncé au goût robuste; le très foncé au goût prononcé.

Le doré peut être utilisé dans les vinaigrettes, l’ambré sur des crêpes ou dans le café alors que le foncé et le très foncé s’intègrent dans la confection de marinades, de desserts ou dans la boulangerie.

De façon générale, le sirop d’érable récolté en début de saison est plus clair et son goût légèrement subtil. Plus la saison des sucres avance, plus l’eau d’érable se réchauffe durant le jour, produisant alors une couleur plus foncée. On estime que le sirop d’érable plus foncé s’avère moins sensible à la cristallisation que celui récolté en début de saison de par sa teneur plus élevée en fructose.

D’autres éléments ont une influence sur le sirop d’érable : les modalités de cuisson, la météo, la densité du sucre, la particularité du sol de l’érablière et de la région où elle est située.

Mme Martin a élaboré, avec d’autres scientifiques, une Roue des flaveurs permettant de décrire les notes aromatiques et la complexité de l’érable. « C’est un bon outil pour receler les multiples parfums de ce produit d’exception. Notre étude sur les saveurs recherchées par les consommateurs a conclu pour sa part qu’il y a un réel intérêt à se procurer du sirop d’érable chez le producteur acéricole, mais que l’acheteur a besoin d’être accompagné pour découvrir toutes les subtilités du produit ».