Jean-François Veilleux, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, février 2019
Le 3 novembre 2018, la Municipalité de Maskinongé a inauguré son parc intergénérationnel Louis-Riel/Marie-Anne-Gaboury, qui abrite deux bustes en bronze de ces personnages historiques réalisés par l’artiste Jules Lasalle. C’est l’occasion idéale de revenir sur un pan méconnu de notre histoire.
Née à Maskinongé le 15 août 1780, Marie-Anne Gaboury passe les 14 premières années de sa vie, après la mort de son père, comme domestique chez le curé de l’endroit. Fille d’habitant, elle fait la connaissance en 1805 de Jean-Baptiste Lagimodière, un coureur des bois né le 25 décembre 1778 dans une famille de cultivateurs de Saint-Antoine-sur-Richelieu. Engagé à 22 ans pour la North West Company, ce voyageur avait passé cinq ans à l’ouest de Grand Portage, au Minnesota actuel. Il y avait contracté un mariage « à l’indienne » avec une Ojibwé, avec qui il a eu trois filles, acceptées et adoptées par Marie-Anne.
Ils se marient en avril 1806. À 26 ans, Marie-Anne quitte sa terre natale pour suivre son époux dans de périlleuses aventures vers les terres inconnues de l’Ouest de l’Amérique du Nord. Voyageant en canot au pays de la fourrure, puis chassant le bison et le castor, ils vont élever ensemble dix enfants dans des conditions extrêmement précaires.
Dès 1811, Jean-Baptiste passe dans le camp adverse en se mettant au service de la Hudson’s Bay Company, fondée à Londres en 1670 par le Trifluvien Radisson afin d’alimenter la nouvelle colonie de Fort Garry. Lagimodière reçoit la mission d’acheminer les dépêches importantes à Montréal, soit un voyage très dangereux de 2 900 kilomètres, à cheval et à pied, constamment menacé par les mercenaires de la North West. Il décédera le 7 septembre 1855.
Étant la seule de son clan à savoir lire et écrire, Marie-Anne Gaboury devient rapidement le pilier de la famille. Faisant preuve de générosité et de don de soi, on la surnomme d’ailleurs la « marraine des prairies » parce qu’elle devint effectivement la marraine de plusieurs enfants de la jeune colonie métisse. En plus d’être reconnue comme une pionnière de la rivière Rouge, elle est la première femme non autochtone (occidentale et blanche) à aller dans l’Ouest et à s’y installer.
Puis, par l’entremise de sa fille Julie qui se maria avec un Métis voisin de la famille, elle deviendra la grand-mère maternelle de Louis Riel (1844-1885), le fondateur de la province du Manitoba. Marie-Anne Gaboury meurt à Saint-Boniface (Winnipeg), à l’âge vénérable de 95 ans, le 14 décembre 1875, soit dix ans avant la pendaison scandaleuse par Ottawa de son petit-fils, alors chef de la rébellion des Métis. Mais ceci est une autre histoire…